22BX01792

Décision du 28 septembre 2023

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Procédure devant la cour :

Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés les 4, 5 et 6 juillet 2022 ainsi que le 6 janvier 2023, la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon, représentée par Me L=, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2003492 du tribunal administratif de Bordeaux du 5 mai 2022 ;

2°) d’annuler le classement des Crus Bourgeois du Médoc établi au titre de l’année 2020 ainsi que la décision individuelle du 14 février 2020 par laquelle l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc l’a informée de ses résultats à ce classement concernant le cru Château Greysac ;

3°) d’enjoindre à l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc de reprendre la procédure de classement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 décembre 2022 et le 6 février 2023, ce dernier n’ayant pas été communiqué, l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc, représentée par Me P= et Me F=, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête en indiquant s’associer au mémoire du 12 décembre 2022 présenté par l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc.

Par un courrier du 25 mai 2023, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611 7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l'irrecevabilité, pour tardiveté, des conclusions de première instance présentées par la société requérante à fin d'annulation du classement des Crus Bourgeois du Médoc établi au titre de l’année 2020.

Des courriers en réponse au moyen d’ordre public, présentés pour la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon, ont été enregistrés les 1er et 21 juin 2023 et ont été communiqués aux autres parties.

Un courrier en réponse au moyen d’ordre public, présenté pour l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc, a été enregistré le 15 juin 2023 et a été communiqué aux autres parties.

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Considérant ce qui suit :

1. La société La Haute Couture du vin by Jean Guyon a déposé auprès du syndicat professionnel l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc trois dossiers de candidature pour le classement des Crus bourgeois du Médoc établi au titre de l’année 2020 afin de bénéficier de la mention « Cru Bourgeois » pour le Château La Clare, et des mentions complémentaires « Cru Bourgeois supérieur » pour le Château Tour Seran et « Cru Bourgeois exceptionnel » pour le Château Greysac. Le 2 janvier 2019, la société a été informée que le Château La Clare avait obtenu d’office la mention « Cru Bourgeois » dès lors que ce cru avait figuré au moins cinq fois à la sélection officielle des Crus Bourgeois du Médoc depuis le millésime 2008 et jusqu’au millésime 2016 inclus. Le 19 avril 2019, l’organisme de vérification (OV) QB Vérification a informé la société qu’à la suite d’un examen organoleptique, le cru Château Greysac a obtenu le niveau 2, insuffisant pour prétendre à la mention complémentaire « Cru Bourgeois exceptionnel ». Ce cru a néanmoins obtenu la mention « Cru Bourgeois supérieur ». Enfin, par un courrier du 4 juin 2019, QB Vérification a informé la société requérante que le cru Château Tour Seran a obtenu le niveau 2 et a été classé avec la mention complémentaire « Cru Bourgeois supérieur », la note minimale de 12 points ayant été atteinte. Par trois courriers du 14 février 2020, l’Alliance a notifié à la société requérante la confirmation de ses résultats finaux au classement des Crus Bourgeois du Médoc établi au titre de l’année 2020, qui a été publié le 20 février 2020. La société la Haute Couture du Vin by Jean Guyon relève appel du jugement du 5 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation des décisions du 14 février 2020 ainsi que du classement des Crus Bourgeois du Médoc publié le 20 février 2020 et de l’arrêté interministériel du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois pour les appellations d’origine contrôlée produites dans l’aire de l’appellation d’origine contrôlée « Médoc ».



Sur la régularité du jugement attaqué :



2. En premier lieu, il ressort respectivement des points 11, 14, 10 et 13 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n’étaient pas tenus de répondre à l’ensemble des arguments de la demande, ont suffisamment motivé leurs réponses aux moyens tirés de l'absence de garantie d'impartialité et d'indépendance en raison de la participation de la commission de classement à la procédure de classement, de ce que la constitution d'un panel de crus pour la formation des dégustateurs est insuffisamment précisée et n'est pas en rapport avec l'objectif du classement, de ce que l’absence d’information sur l’identité et les compétences des dégustateurs n’a pas permis d’assurer l’égalité de traitement entre les candidats et de ce que les membres du conseil d'administration de l'Alliance des Crus Bourgeois du Médoc, dont huit ont obtenu la mention « Cru Bourgeois exceptionnel », ont bénéficié d'un avantage en ayant connaissance, avant les autres candidats, des grilles de notation pour les mentions « Cru Bourgeois supérieur » et « Cru Bourgeois exceptionnel ». La société La Haute Couture du vin by Jean Guyon n’est donc pas fondée à critiquer, pour ces motifs, la régularité du jugement en litige.

3. En deuxième lieu, dans sa requête de première instance, la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon a notamment sollicité l’annulation de l’arrêté interministériel du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois pour les appellations d'origine contrôlée produites dans l'aire de l'appellation d'origine contrôlée « Médoc ». A cet égard, le tribunal a relevé, à juste titre, que cet arrêté ayant été publié au journal officiel de la République française n° 0002 le 4 janvier 2018, faisant ainsi courir le délai de recours contentieux de deux mois ouvert à son encontre, les conclusions à fin d’annulation présentées contre cet arrêté le 6 août 2020 étaient tardives et donc irrecevables. Par suite, ces conclusions ayant été formulées par voie d’action et non par la voie de l’exception à l’encontre des autres décisions contestées, la société ne peut utilement soutenir qu’elle était recevable, postérieurement à l’expiration du délai de recours, à exciper de l'illégalité de cet arrêté et des actes règlementaires qu'il a homologués pour contester le classement publié le 20 février 2020. L’intéressée n’est donc pas fondée à critiquer, pour ce motif, la régularité du jugement en litige.

4. En troisième lieu, ainsi qu’il sera exposé au point 10, le moyen tiré de ce que la décision du 14 février 2020 informant la requérante de son résultat final au classement des Crus Bourgeois du Médoc pour le cru Château Greysac aurait été prise par une autorité incompétente n’est pas fondé. Dès lors, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier faute, pour les premiers juges, d’avoir soulevé d’office ce moyen.

5. En dernier lieu, il ressort des termes du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois du Médoc que les décisions relatives au classement des Crus bourgeois du Médoc, qui sont des décisions individuelles, sont prises, lorsqu’il n’est pas fait droit aux demandes des candidats, préalablement à la publication de ce classement par l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc, le cas échéant après réexamen. Le classement tel qu’il est publié par cet organisme recense, pour sa part, les candidats retenus pour la mention « Cru Bourgeois » et les mentions complémentaires « Cru Bourgeois supérieur » et « Cru Bourgeois exceptionnel ». Le délai de recours contre ces décisions court, pour un demandeur qui conteste la décision rejetant sa candidature, à compter de la notification de la décision par l’Alliance et, pour les tiers qui contestent des décisions de classement, à compter de la publication du classement.

6. Il est constant que le classement des « Crus Bourgeois du Médoc » a été publié le 20 février 2020 sur le site internet de l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc. A compter de cette date et contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon était recevable à contester les décisions individuelles de classement des autres candidats y figurant. Contrairement à ce que fait valoir l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc, la société, concurrente des candidats retenus aux mentions consacrées par ce classement, disposait d’un intérêt lui donnant qualité à agir contre ces décisions. Par suite, l’appelante est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme irrecevables les conclusions tendant à l’annulation du classement des Crus Bourgeois du Médoc établi au titre de l’année 2020, publié le 20 février 2020, qui devaient être regardées comme dirigées contre les décisions individuelles qu’il recense.

7. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions à fin d’annulation des décisions individuelles recensées dans le classement des Crus Bourgeois du Médoc publié le 20 février 2020 présentées par la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon devant le tribunal administratif de Bordeaux et d’y statuer en même temps que sur le surplus des conclusions à fin d’annulation, dont la cour est saisie par l’effet dévolutif de l’appel.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la décision du 14 février 2020 :

8. L’article 13, 3° d) du décret du 19 août 1921 portant application de l'article L. 412-1 du code de la consommation aux vins, aux vins mousseux et aux eaux-de-vie dispose que : « Est interdit, en toute circonstance et sous quelque forme que ce soit, notamment : /-Sur les récipients et emballages ; /-Sur les étiquettes, capsules, bouchons, cachets ou autre appareil de fermeture ; /-Dans les papiers de commerce, factures, catalogues, prospectus, prix courants, enseignes, affiches, tableaux-réclames, annonces et tout autre moyen de publicité ; l'emploi en ce qui concerne les vins, vins mousseux et eaux-de-vie : 1° (…) 3° Des mots cru classé précédés ou non d'une indication hiérarchique ou de tout autre mot évoquant une hiérarchie de mérite entre les vins provenant de domaines viticoles particuliers, sauf : (…) d) Lorsqu'il s'agit de vins de Bordeaux provenant de domaines viticoles faisant partie d'une appellation d'origine et ayant fait l'objet d'une sélection organisée périodiquement par l'organisme professionnel viticole le plus représentatif des domaines susceptibles d'être autorisés à employer des mots évoquant une hiérarchie de mérite entre ces vins sur la base d'un cahier des charges élaboré par celui-ci et d'un plan de vérification du cahier des charges établi et mis en œuvre par un organisme tiers offrant des garanties de compétence, d'impartialité et d'indépendance. / Le cahier des charges et le plan de vérification sont soumis à homologation des ministres chargés de la consommation et de l'agriculture par arrêté conjoint. (…) ». Aux termes de l’article 1er de l’arrêté interministériel du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois pour les appellations d’origine contrôlées produites dans l’aire de l’appellation d’origine contrôlée « Médoc » : « Le cahier des charges et le plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois du Médoc, approuvés par l'assemblée générale extraordinaire et le conseil d'administration de l'Alliance des crus bourgeois du Médoc en dates, respectivement, du 26 octobre et du 13 décembre 2017, sont homologués. ».

9. En premier lieu, aux termes du chapitre 3.5 du cahier des charges : « L’Alliance publie le Classement avant le 1er mars d’une année N. / Les résultats détaillés obtenus par chaque cru sont communiqués individuellement aux exploitants par l’OV (…) ». Aux termes du chapitre 6 du plan de vérification du classement : « A l’issue des délibérations, l’OV procède à la levée de l’anonymat et transmet la liste des noms des Crus de chacun des trois groupes à l’Alliance. / L’Alliance informe chaque cru candidat de son classement. (…) / C’est l’Alliance qui est chargée de rendre public le classement. ».

10. Il résulte de ces dispositions, qui ne sont entachées d’aucune contradiction, qu’il appartient à l’Alliance d’informer les candidats de leur classement puis de publier ce classement et à l’OV de transmettre individuellement les notes des candidats. Dès lors, la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon n’est pas fondée à soutenir que la décision du 14 février 2020 l’informant de son résultat final au classement des Crus Bourgeois du Médoc pour le cru Château Greysac qui, conformément à ces dispositions, a été prise par l’Alliance, aurait incompétemment été édictée.

11. En deuxième lieu, il ressort des dispositions du chapitre 7 du plan de vérification que la procédure de sélection des dégustateurs est initiée par l’Alliance, qui propose, après appel à candidature de l’OV, une liste de dégustateurs. Ces derniers doivent fournir un curriculum vitae reprenant leurs formations et leur parcours professionnel ainsi qu’un recueil de tout élément prouvant leur réputation dans leur domaine et posséder un diplôme d’œnologue ou de sommellerie ou le DUAD ou « masters of wine » ou avoir une expérience significative et régulière en dégustation. L’OV soumet à l’Alliance la liste des dégustateurs retenus pour participer obligatoirement aux séances de formation aux caractéristiques des Crus Bourgeois du Médoc et aux analyses sensorielles à réaliser, organisées par la commission technique de l’Alliance, durant lesquelles il leur est notamment présenté un panel de crus sélectionné par la commission technique, constitué d’au moins dix crus représentatifs des quatre niveaux décrits au cahier des charges. A l’issue des formations, l’OV organise une séance d’évaluation dont l’objectif est d’établir un classement des dégustateurs en fonction de la fiabilité et de la reproductibilité de leurs réponses, les trente premiers dégustateurs étant retenus pour participer aux dégustations de classement. Enfin, chaque dégustateur doit s’engager sur l’honneur, conformément à l’article 7.1 du plan de vérification, notamment à ne pas avoir de contact direct ou indirect avec les candidats jusqu’à la publication des résultats et produire une déclaration d’intérêts. Dans ces conditions, alors que l’appelante ne produit aucun élément de nature à établir que l’un ou plusieurs des dégustateurs auraient eu des liens avec des candidats au classement, les qualités professionnelles, l’impartialité et l’indépendance des dégustateurs, dont l’identité n’avait pas à être rendue publique afin d’éviter que des crus candidats influencent les dégustateurs au cours de la procédure de classement, sont garanties par ce processus de sélection étroitement encadré par l’OV et ne sauraient être sérieusement remises en cause par la société requérante.

12. En troisième lieu, il ressort des termes du chapitre 7.5.2 du plan de vérification qu’afin de garantir l’égalité entre les candidats, le panel de crus destinés à la formation des dégustateurs est constitué d’échantillons collectés auprès de crus candidats, déjà classés ou non. Au moins quarante exploitations représentatives des Crus Bourgeois du Médoc sont sélectionnées, cette sélection étant définie par l’OV pour représenter les différentes appellations d’origine contrôlée concourant au classement. Les échantillons sont collectés par l’OV parmi les échantillons mis sous scellés des exploitations sélectionnées ou prélevés sur stock. Le panel est alors constitué par la commission technique de l’Alliance et est constitué d’au moins dix crus représentatifs des quatre niveaux décrits au cahier des charges et exposés au point 20. Dès lors, le moyen tiré de ce que l’intervention de la commission technique postérieurement à la sélection opérée par l’OV ne serait pas prévue par les textes manque en fait et doit être écarté.

13. En quatrième lieu, il ressort des termes du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois du Médoc que l’Alliance se décline en plusieurs commissions chargées, notamment, d’assurer le suivi interne de la qualité des vins du classement. La commission de classement, interlocutrice des entités tierces indépendantes chargées de la mise en œuvre du plan de vérification, ayant pour mission de coordonner la mise en œuvre du classement ainsi que le suivi des écarts, est composée de membres issus d’exploitations notifiées éligibles, soit, d’un membre du bureau de l’Alliance, du responsable de la commission technique, de deux membres du conseil d’administration et de trois représentants des crus classés. La commission technique, également désignée sous le terme « commission qualité », composée de vingt-cinq membres issus d’exploitations de crus classés, dont le responsable de la commission de classement, assure notamment la constitution du panel de crus pour la formation des dégustateurs indépendants, le suivi qualité des vins prélevés après leur conditionnement, le suivi qualité des vins mis à la consommation ainsi que l’organisation des séances de formation des dégustateurs et, pour la sélection du panel, transmet un avis motivé à l’Alliance pour la définition des notes d’accès aux différents niveaux. La commission d’experts, désignés par l’OV parmi la liste d’experts fournie par l’Alliance, est composée de dix experts et se trouve chargée d’évaluer les critères n° 2 et n° 3 que doivent satisfaire les candidatures à une mention complémentaire, après présentation par l’OV des dossiers anonymisés des candidats, ainsi que, sous l’encadrement d’un représentant de l’OV, des visites des exploitations. Cette commission attribue à chacun des dix thèmes de chaque dossier spécifique un niveau d’appréciation définitif A, B, C ou D par ordre décroissant de niveau qualitatif, le traitement des résultats étant effectué par l’OV. La commission de dégustation est constituée de dix dégustateurs indépendants, répartis en deux groupes de cinq dégustateurs, qui procèdent individuellement et sans concertation à l’examen des vins qui leur sont présentés et remplissent une fiche individuelle de dégustation en affectant une note globale à chaque échantillon, comprise entre A et D. Enfin, la commission d’appel, constituée du président ou du vice-président du jury initial, de deux membres du jury tirés au sort, de deux membres de la commission d’experts tirés au sort parmi les experts volontaires et d’un membre tiré au sort parmi les dégustateurs volontaires est chargée d’examiner les contestations des candidats sur les conclusions du jury relatives au classement.

14. De première part, contrairement à ce qui est soutenu, la seule circonstance que la commission technique se voit attribuer la mission de constitution du panel de crus pour la formation des dégustateurs indépendants et transmette un avis motivé à l’Alliance pour la définition des notes d’accès aux différents niveaux n’est pas de nature à établir que les dégustateurs ne pourraient évaluer la qualité des crus qui leur sont présentés en toute indépendance et impartialité. Par ailleurs, si l’intéressée soutient que la commission qui assiste l'OV lors des visites sur site, mentionnée au chapitre 3.3.3 du cahier des charges, n’est pas définie, il résulte de ce qui a été précédemment exposé que cette commission est identifiée par le plan de vérification comme étant la commission d’experts. Enfin, en se bornant à soutenir que l’Alliance fait intervenir, tout au long du processus d’élaboration du classement, des entités qui lui sont « inféodées », elle n’établit ni même n’allègue que l’un ou plusieurs des membres désignés au sein des différentes commissions présenteraient un risque de partialité, et, par suite, ne justifie pas que l’analyse sensorielle des crus réalisée par les dégustateurs, sous le contrôle de l’OV, serait dépourvue des garanties d’impartialité et d’indépendance.

15. De deuxième part, la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon fait état de ce que la commission de classement intervient à chaque étape du processus de sélection dès lors qu’elle propose la liste d’experts à l’OV pour la constitution de la commission d’experts, qu’elle assure leur formation, et qu’elle propose la liste des dégustateurs. Toutefois, ce simple constat ne suffit pas à remettre en cause la probité de ses membres dans le déroulement des opérations de classement. En outre, il ressort des termes du plan de vérification que les experts sont, à l’instar des dégustateurs, simplement proposés par la commission de classement à l’OV, après appel à candidature, et doivent fournir une attestation sur l’honneur en matière d’éventuels conflits d’intérêts ainsi que des déclarations en matière de confidentialité et d’impartialité. La circonstance que ces experts qui, en définitive, sont choisis par l’OV, sont ensuite conjointement formés par la commission de classement et par l’OV pour leur présenter les objectifs du classement et la méthodologie mise en œuvre pour le réaliser, l’histoire et le positionnement des Crus Bourgeois du Médoc, ainsi que la mission d’évaluation des critères 2 et 3 pour l’attribution d’une mention complémentaire, n’est pas de nature à altérer leur indépendance. De même, la proposition d’une liste de dégustateurs par la commission technique ainsi que leur formation, dans les conditions exposées au point 11, ne méconnaît pas les principes d’impartialité et d’indépendance.

16. De troisième part, l’appelante soutient que si le plan de vérification dispose que les experts, membres de la commission d’experts, sont obligatoirement formés par la commission de classement et par l’OV, aucune précision n’est cependant apportée quant aux conditions de leur formation, à leur nom ainsi qu’à leur niveau de compétence. Toutefois, alors que ce document n’avait pas obligatoirement à apporter des précisions supplémentaires sur ces différents points, il ressort des pièces du dossier que les experts, dont l’identité n’avait pas à être rendue publique avant la publication du classement, ont été sélectionnés au regard de leur curriculum vitae avec deux types de profil, un profil technique et un profil commerce et promotion et ont été formés dans les conditions exposées au point précédent. Il ne résulte pas des mentions du tableau recensant la liste de ces experts ainsi que leurs expériences et leurs diplômes, versé au dossier par l’Alliance, que ces experts ne répondraient pas aux exigences de compétence et d’impartialité requises par le plan de vérification. Dès lors, la société n’est pas fondée à soutenir que les conditions de leur nomination ne garantissent pas la fiabilité de la sélection des candidats au regard des exigences susmentionnées.

17. De dernière part, il ressort du chapitre 1.2.2 du plan de vérification que la commission technique est composée de vingt-cinq membres dont le responsable de la commission de classement. Contrairement à ce que soutient la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon, la notion de « responsable » de la commission de classement est suffisamment précise en ce qu’elle renvoie nécessairement à la personne ayant été désignée comme telle par l’Alliance au sein de la commission de classement. En outre, la circonstance que le plan de vérification ne précise pas le rôle et la mission du responsable de la commission technique, désigné parmi les membres du bureau du conseil d’administration de l’Alliance, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, pour le classement de 2020 qui constitue le premier classement des Crus Bourgeois du Médoc depuis l’approbation du cahier des charges et du plan de vérification, aucun cru n’ayant encore été précédemment classé, les membres de la commission technique sont désignés, après appel à candidatures, parmi les candidats au classement. Contrairement à ce qui est soutenu par l’appelante, la circonstance que cette commission est chargée de constituer, conjointement avec l’OV, un panel destiné à la formation des dégustateurs dans les conditions exposées au point 12 ne constitue pas une rupture d’égalité entre les candidats dès lors que cette procédure, qui ne conditionne pas l’analyse des dégustateurs, n’a pour but que de leur faire prendre connaissance de la procédure de dégustation et de traitement des résultats, d’intégrer les caractéristiques organoleptiques des crus issus des différentes appellations d’origine contrôlée du Médoc et d’intégrer les caractéristiques propres à chaque millésime. De même, la circonstance qu’à l'issue de la formation des dégustateurs, la commission technique transmet un avis motivé à l'Alliance pour la définition des notes minimales d'accès aux différents niveaux ne méconnaît pas le principe d’égalité entre les candidats dès lors que ces notes minimales sont, en définitive, connues de l’ensemble des candidats et qu’elles s’appliquent de la même manière à chacun d’eux.

18. En cinquième lieu, aux termes du chapitre 9 du plan de vérification : « Le Jury est l’autorité morale chargée d’établir le classement des Crus Bourgeois du Médoc. Il est proposé par l’Alliance à l’OV et composé de 6 personnes : - Un Président de Jury et un Vice-Président de Jury choisis parmi des personnalités dotés d’une expérience et d’une compétence reconnue dans la filière viticole ; / - 1 membre issu du profil des techniciens de la commission d’experts et n’ayant fait aucune visite sur site ; /- 1 membre issu du profil commerce et promotion de la commission d’experts et n’ayant fait aucune visite sur site ; / - 2 membres désignés parmi les dégustateurs. / Le jury est assisté dans ses délibérations par l’OV qui garantit l’anonymat des candidatures. ».

19. Il ressort des termes du chapitre 3.3.4 du cahier des charges que la liste du jury, proposée par l’Alliance, est soumise à validation de l’OV et que celui-ci peut solliciter auprès de l’Alliance une nouvelle sélection si certains membres du jury, dont elle supervise les travaux, ne satisfaisaient pas aux garanties d’indépendance et d’impartialité. Contrairement à ce qui est soutenu, la mention, dans le plan de vérification, de ce que le président et le vice-président du jury doivent être choisis parmi des personnalités dotées d’une expérience et d’une compétence reconnue dans la filière viticole n’avait pas à être davantage précisée au regard desdites garanties. De même, la mention de ce que deux membres sont désignés parmi les dégustateurs est suffisamment précise dès lors qu’elle s’entend nécessairement des dégustateurs sélectionnés par l’OV selon la procédure exposée au point 11. Enfin, la circonstance que, parmi les deux membres du jury tirés au sort pour la composition de la commission d’appel puissent figurer un membre de la commission d’expert ou un dégustateur ne contrevient pas à la répartition des membres de cette commission exposée au point 13. Par suite, dès lors que la procédure de sélection du jury ainsi prévue permet de garantir le respect des principes d’indépendance et d’impartialité et que la société requérante n’indique pas en quoi elle porterait atteinte à ces principes, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté.

20. En sixième lieu, aux termes du chapitre 3.1 du cahier des charges : « 3.1.1 « Cru Bourgeois » / Le cru issu d’une exploitation notifiée éligible est soumis à une évaluation qualitative par analyse sensorielle. / 3.1.2 Mentions complémentaires : « Cru Bourgeois supérieur » et « Cru Bourgeois exceptionnel » / En complément de l’évaluation qualitative par analyse sensorielle, le cru qui postule à la mention complémentaire « Cru Bourgeois supérieur » ou à la mention complémentaire « Cru Bourgeois exceptionnel » est issu d’une exploitation qui justifie de ses performances aux critères complémentaires définis à l’article 3.3 du présent cahier des charges ». Aux termes du chapitre 3.2.4 de ce cahier des charges : « Analyse sensorielle des vins conditionnés / Une appréciation globale est attribuée à chaque cru selon la classification suivante : - Niveau 1 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et constant ; - Niveau 2 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur ; - Niveau 3 : conforme, avec un niveau qualitatif suffisant ; - Niveau 4 : non conforme, avec un niveau qualitatif insuffisant. ». Aux termes de son chapitre 3.3 relatif aux critères complémentaires d’admission aux mentions « Cru Bourgeois supérieur » et « Cru Bourgeois exceptionnel » et plus particulièrement de son point 3.3.1. qui prévoit la constitution d’un dossier spécifique de candidature à une mention complémentaire : « Chaque cru candidat constitue un dossier pour justifier des performances du cru au regard des critères suivants : Critère 1 : Les Bonnes pratiques culturales et environnementales (…) ; / Critère 2 : La conduite de l’exploitation tant sur le plan viticole que vinicole (…) / Critère 3 : La mise en valeur du cru (…) ». Enfin, aux termes du chapitre 3.2.1.5 « Traitement des résultats », issu de la partie 3.2 « Analyse sensorielle de classement » du plan de vérification, la note de chaque dégustateur est transformée en points selon un barème et la somme des points issus des 10 dégustateurs sert pour le positionnement des crus dans l’un des quatre niveaux suivants : « Niveau 1 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et constant permettant l’accès, si candidature, aux niveaux Crus Bourgeois, Cru Bourgeois Supérieur, Cru Bourgeois exceptionnel ; Niveau 2 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et permettant l’accès, si candidature, aux niveaux Crus Bourgeois, Cru Bourgeois Supérieur ; - Niveau 3 : conforme, avec un niveau qualitatif suffisant et permettant l’accès au niveau Cru Bourgeois ; - Niveau 4 : non conforme, avec un niveau qualitatif insuffisant. Pour chaque niveau définit ci-dessus un nombre minimum de points à atteindre est requis ».

21. Il ressort des chapitres 3.3.4 du cahier des charges et 5.1 du plan de vérification qu’en vue du de l’attribution de la mention « Cru Bourgeois », le jury prend acte et valide les résultats des analyses sensorielles réalisées par les dégustateurs, dont les conclusions sont présentées par l’OV. En vue de l’établissement de la hiérarchie de mérite entre les crus pour lesquels les exploitants postulent au bénéfice d’une mention complémentaire, le jury délibère au vu des résultats obtenus sur l’ensemble des critères, en ce compris les résultats des analyses sensorielles. Le chapitre 5.2 du plan de vérification précise qu’obtiennent la mention complémentaire « Cru Bourgeois Supérieur » tous les crus répondant aux conditions tenant, notamment, à l’obtention du niveau 1 ou 2 à la dégustation des cinq millésimes de référence, à la satisfaction du critère 1, et à l’obtention de la note minimum d’admissibilité à une mention complémentaire pour l’étude des critères 2 et 3. Le chapitre 5.3 du plan de vérification dispose que la mention complémentaire « Cru Bourgeois Exceptionnel » est, pour sa part, attribuée par le jury après délibération anonyme et information de chacun des membre du jury, pour chacun des crus, des notes de dégustation et des appréciations obtenues dans chacun des 10 thèmes des critères 2 et 3. Cette mention complémentaire est attribuée aux crus répondant aux conditions tenant, notamment, à l’obtention du niveau 1 à la dégustation des cinq millésimes de référence, à la satisfaction du critère 1, à l’obtention de la note minimum d’admissibilité à une mention complémentaire ainsi qu’à celle des deux tiers des voix du jury.

22. La société requérante soutient que, s’agissant de l’attribution de la mention « Cru Bourgeois », le jury ne dispose d’aucune marge d’appréciation dès lors qu’il se borne à prendre acte des résultats des analyses sensorielles réalisées par les dégustateurs. Toutefois, elle ne précise pas en quoi son rôle se trouverait ainsi limité alors que la prise en compte des analyses sensorielles est, seule, déterminante pour l’attribution de cette mention aux candidats éligibles et qu’il ne résulte d’aucun texte qu’il ne pourrait solliciter des précisions à l’OV ou que l’anonymat de sa délibération ne serait pas respecté. Par ailleurs, la circonstance que, s’agissant des mentions complémentaires « Cru Bourgeois Supérieur » et « Cru Bourgeois Exceptionnel », les règles de fonctionnement et de délibération du jury sont organisées selon des modalités différentes, exposées par les dispositions ci-dessus mentionnées des chapitres 5.2 et 5.3 du plan de vérification, ne méconnaît pas le principe d’égalité entre les candidats dès lors que les candidats à ces mentions complémentaires sont placés dans une situation différente, étant astreints à davantage de critères de sélection, que les candidats à la mention « Cru Bourgeois ».

23. En dernier lieu, il résulte des chapitres 2.2 du plan de vérification et 5.1.2.1.1 du cahier des charges qu’à titre de mesure transitoire applicable au classement publié au titre de l’année 2020, les candidats ayant figuré au moins cinq fois à la sélection officielle des Crus Bourgeois du Médoc publiée annuellement par l’Alliance depuis le millésime 2008 et jusqu’au millésime 2016 inclus et qui ne se présentent pas à l’obtention d’une mention complémentaire sont dispensés de l’analyse sensorielle de classement et obtiennent automatiquement la mention « Cru Bourgeois ». La société requérante soutient que ces dispositions méconnaissent l'égalité de traitement entre les candidats selon qu'ils ont sollicité la mention « Cru Bourgeois » ou les mentions complémentaires « Crus Bourgeois supérieur » ou « Cru Bourgeois exceptionnel », en ne permettant pas aux candidats à ces mentions complémentaires de bénéficier de la mesure transitoire et d’obtenir, sous réserve du respect des conditions requises, le renouvellement automatique de la mention « Cru Bourgeois ». Toutefois, il résulte des termes de la décision contestée du 14 février 2020 relative au cru Château Greysac, que ce cru a obtenu la mention « Cru Bourgeois supérieur ». Dès lors, l’illégalité alléguée des dispositions ci-dessus mentionnées des chapitres 2.2 du plan de vérification et 5.1.2.1.1 du cahier des charges ne peut être utilement invoquée par voie d’exception à l’appui des conclusions de la société requérante dirigées contre la décision du 14 février 2020, qui n’a pas été prise pour l’application de ces dispositions, ces dernières n’en constituant pas davantage la base légale.

En ce qui concerne les décisions de classement publiées le 20 février 2020 :

24. En premier lieu, aux termes du chapitre 1.2 du plan de vérification : « Le rôle de l’Alliance comprend notamment : / (…) / la Publication du Classement selon les modalités définies par les autorités de tutelle. (…) ». Aux termes de l’article 6.3 du même plan : « C’est l’Alliance qui est chargée de rendre public le classement ». Aux termes de l’article 5.1.2.3 du cahier des charges : « L’Alliance publie le Classement avant le 1er mars 2020. ». Enfin, aux termes de l’article 1er de l’arrêté interministériel du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois pour les appellations d’origine contrôlée produites dans l’aire de l’appellation d’origine contrôlée « Médoc » : « Le cahier des charges et le plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois du Médoc, approuvés par l'assemblée générale extraordinaire et le conseil d'administration de l'Alliance des crus bourgeois du Médoc en dates, respectivement, du 26 octobre et du 13 décembre 2017, sont homologués. ». Il résulte de ces dernières dispositions qu’en homologuant le cahier des charges et le plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois du Médoc, le pouvoir réglementaire doit être regardé comme ayant validé, notamment, les modalités de publication des décisions individuelles des candidats retenus au classement prévues par ces documents, dont il ressort qu’il appartenait à l’Alliance de les publier avant le 1er mars 2020. Dès lors, le moyen tiré de ce que, contrairement aux dispositions précitées du chapitre 1.2 du plan de vérification, les « autorités de tutelles » n’auraient pas défini les modalités de publication du classement doit être écarté.

25. En deuxième lieu, aux termes du chapitre 7.5.2 du plan de vérification relatif à la sélection du panel de crus destiné à la formation : « Des échantillons sont collectés chez des Crus candidats, déjà classés ou non. Au moins 40 exploitations représentatives des Crus Bourgeois du Médoc sont sélectionnées. / La sélection des Crus devant fournir des échantillons est définie par l’OV pour représenter les différentes AOC. / Les échantillons sont collectés par l’OV parmi les échantillons mis sous scellés des exploitations sélectionnées ou prélevés sur stock dans les mêmes conditions que pour le classement. / Le panel est constitué par la Commission Technique de l’Alliance. Il est constitué d’au moins 10 Crus représentatifs des quatre niveaux décrits au cahier des charges (…) ».

26. Il ressort des pièces du dossier que le territoire géographique concerné par le classement des Crus Bourgeois du Médoc est divisé en quatre secteurs, nord, sud, est et ouest au sein desquels huit AOC ont vocation à candidater au classement, à savoir le Médoc, le Haut-Médoc, le Margaux, le Listrac-Médoc, le Moulis-en-Médoc, le Saint-Julien, le Pauillac et le Saint-Estèphe. A la suite d’une sélection aléatoire, les dix premiers crus de chaque secteur, déjà classés ou non, sont ensuite sélectionnés afin d’obtenir la sélection des quarante crus servant à établir le panel. Celui-ci est ensuite composé d’au moins dix crus représentatifs des quatre niveaux décrits au cahier des charges et exposés au point 20. Le classement étant réservé aux AOC constituées lors du panel et l’élaboration de ce dernier ayant pour objectif de former les dégustateurs aux caractéristiques des Crus Bourgeois qu’ils dégusteront, la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon n’est pas fondée à soutenir que ce panel, dont la composition est suffisamment précisée, serait sans lien avec l’objectif du classement ou impossible sur un territoire comme le Médoc, composé d’un nombre important d’appellations.

27. En troisième lieu, il résulte des termes du chapitre 4.6.4 du cahier des charges relatif à la mise sous scellés d’échantillons conditionnés, utilisés, notamment, lors de la dégustation, que la mise sous scellés de bouteilles est en principe effectuée sur le lieu de stockage des bouteilles. Les échantillons sont prélevés, scellés et conservés sur l’exploitation sous la responsabilité de l’exploitant et sous le contrôle de l’OV, qui se réserve le droit de vérifier les stocks de bouteilles scellées. Il ressort par ailleurs des énonciations du plan de vérification que les échantillons destinés à l’analyse sensorielle de classement sont prélevés sur stock par l’OV et munis d’un dispositif d’inviolabilité. Dès lors, le moyen tiré de ce que ni le cahier des charges ni le plan de vérification ne préciserait les conditions dans lesquelles doivent être conservés les échantillons destinés à la dégustation, qui n’est assorti d’aucune argumentation précise, manque en fait et doit être écarté.

28. En quatrième lieu, il ne ressort pas du cahier des charges ni du plan de vérification précités que la présence d’un huissier de justice serait requise pour vérifier que les conditions de dégustation sont identiques, que l’environnement et les outils de dégustation sont adaptés ou que le ou les crus dégustés sont les mêmes pour tous les dégustateurs. Dans ces conditions, alors que la procédure de classement est mise en œuvre sous le contrôle d’une entité tierce indépendante, QB Vérification, accréditée par le comité français d’accréditation et agréée par l’Institut national de l'origine et de la qualité afin de garantir sa compétence, dont la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon n’établit ni même n’allègue l’absence d’impartialité et d’indépendance, le moyen tiré de l’absence de surveillance des opérations de dégustation par un « tiers impartial » doit être écarté.

29. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que le cahier des charges a été adopté, après plusieurs réunions sectorielles, par délibération de l’assemblée générale de l’Alliance du 14 septembre 2016 à laquelle le gérant de la société requérante a, au demeurant, pu assister. Le plan de vérification a, pour sa part, été adopté par l’assemblée générale extraordinaire et le conseil d’administration de l’Alliance les 26 octobre et 13 décembre 2017. Ces deux documents ont, ensuite, été homologués par l’arrêté interministériel du 29 décembre 2017. Par suite, à la supposer avérée, la circonstance que huit châteaux lauréats des mentions « Crus Bourgeois supérieur » ou « Cru Bourgeois exceptionnel » seraient représentés au conseil d’administration de l’Alliance, circonstance inhérente à l’existence d’un organisme professionnel viticole représentatif au sens des dispositions du décret du 19 août 1921 précité, qui a contribué à l’élaboration de ces documents, n’est pas de nature à leur avoir conféré un avantage susceptible de porter atteinte aux principes d’impartialité et d’égalité entre les candidats, l’ensemble des candidats ayant pu prendre connaissance de ces documents plus de deux ans avant la publication des décisions contestées.

30. En sixième lieu, et d’une part, ainsi qu’il a été exposé au point 23, la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon ne peut utilement contester les décisions individuelles de classement aux mentions « Cru Bourgeois supérieur » et « Cru Bourgeois exceptionnel » en se prévalant de l’illégalité des mesures transitoires prévues par les dispositions des chapitres 2.2 du plan de vérification et 5.1.2.1.1 du cahier des charges, les décisions en cause n’ayant pas été prises pour l’application de ces dispositions, ces dernières n’en constituant pas davantage la base légale. D’autre part, si la société soutient qu’en application de ces mesures transitoires, certains crus lauréats du classement ont bénéficié de la mention « Cru Bourgeois » sans avoir été astreints à l’épreuve de l’analyse sensorielle, créant une rupture d’égalité avec les candidats à cette même mention qui ont dû se soumettre à cette épreuve, cette différence de traitement se justifie par une différence de situation dans laquelle sont placées ces deux catégories de candidats, la première correspondant aux candidats ayant figuré au moins cinq fois à la sélection officielle de l’Alliance depuis le millésime 2008 et jusqu’au millésime 2016 inclus et qui ont ainsi fait l’objet à cinq reprises d’une reconnaissance annuelle par un OV dans le cadre du projet « Reconnaissance Cru Bourgeois », la seconde aux candidats n’ayant pas une antériorité suffisante à cette sélection, justifiant qu’ils se soumettent à une épreuve complémentaire de dégustation. Enfin, l’argument soulevé en appel par la société, tiré de ce que l'égalité de traitement entre les candidats est méconnue selon qu'ils ont sollicité la mention « Cru Bourgeois » ou les mentions complémentaires « Crus Bourgeois supérieur » ou « Cru Bourgeois exceptionnel », n’est pas assorti des précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé.



31. En dernier lieu, les autres moyens soulevés par la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon en première instance et en appel contre les décisions de classement publiées le 20 février 2020 sont identiques à ceux invoqués aux points 9 à 22 contre la décision du 14 février 2020 par laquelle l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc l’a informée de ses résultats à ce classement concernant le cru Château Greysac. Il y a lieu d’écarter ces moyens pour les mêmes motifs que ceux exposés à ces points.

32. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon n’est pas fondée à demander l’annulation des décisions individuelles de classement des Crus Bourgeois du Médoc établi au titre de l’année 2020, publié le 20 février 2020. Elle n’est pas davantage fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus de ses demandes. Les conclusions à fin d’injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais liés à l’instance :

33. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2003492 du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu’il a rejeté comme irrecevables les conclusions de la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon tendant à l’annulation des décisions individuelles de classement des Crus Bourgeois du Médoc établi au titre de l’année 2020, publié le 20 février 2020.

Article 2 : La demande présentée par la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon devant le tribunal administratif de Bordeaux et tendant à l’annulation des décisions individuelles de classement des Crus Bourgeois du Médoc établi au titre de l’année 2020, publié le 20 février 2020, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête d’appel sont rejetés.

Article 3 : La société La Haute Couture du vin by Jean Guyon versera une somme de 1 500 euros à l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La discussion continue ailleurs

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