22BX01591

Décision du 21 mars 2024

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 juin 2022, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 14 avril 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux par la société La Goudue Terre & Watts.

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Considérant ce qui suit :

1. M. G==, président de la SAS La Goudue Terre & Watts et mandataire du groupement forestier de l’Argentey, a demandé à la préfète de Lot-et-Garonne, le 29 juin 2018, l’autorisation de défricher 21,60 hectares de bois sur une parcelle cadastrée section AH n° 155 sur le territoire de la commune de Pindères, dans le cadre d’un projet de construction d’une centrale photovoltaïque au sol nécessitant une surface totale à défricher de 40 hectares, le surplus se situant sur la commune de Lartigue dans le département de la Gironde. Par un arrêté du 7 novembre 2019, la préfète de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer l’autorisation sollicitée. La SAS La Goudue Terre & Watts a formé un recours gracieux contre cette décision qui a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par l’administration. Le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire relève appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de la SAS La Goudue Terre & Watts tendant à l’annulation de la décision du 7 novembre 2019 et a enjoint au préfet de Lot et-Garonne de délivrer l’autorisation de défrichement sollicitée.

2. Aux termes de l’article L. 341-5 du code forestier : « L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : (…) / 9° A la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches. »

3. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée AH n° 155 est située au sein du massif des Landes de Gascogne, massif le plus important d’Europe avec une surface de plus d’un million d’hectares et composé majoritairement de pins maritimes, arbres résineux extrêmement inflammables. Ce secteur est classé en « niveau 4 fort » de sensibilité au feu par le plan interdépartemental de protection de la forêt contre les incendies applicable sur le territoire des départements de la Gironde, des Landes et du Lot-et-Garonne et l’étude d’impact du projet relève un aléa fort aux feux de forêt pour l’aire d’étude immédiate du terrain concerné. Il ressort également des pièces du dossier que le projet de centrale photovoltaïque, qui pouvait être pris en considération par l’administration pour apprécier la réponse à apporter à la demande d’autorisation de défrichement sollicitée par la société pétitionnaire, entraine un risque spécifique d’incendie. A cet égard, l’étude d’impact souligne, il est vrai, que plusieurs sources de démarrage de feu sont possibles, principalement liées aux unités de transformation de l’électricité, soit le poste de livraison et les transformateurs. Toutefois, la société pétitionnaire a intégré à son projet l’ensemble des recommandations faites par le service départemental d’incendie et de secours et par l’association régionale de défense des forêts contre l’incendie, notamment la création d’une zone débroussaillée de cinquante mètres de profondeur en périphérie de l’installation, deux bandes de roulement de cinq mètres de largeur de part et d’autre de la clôture, la bande extérieure étant reliée aux voies d’accès existantes du massif forestier, une réserve incendie de 120 m3 à l’entrée du site, des dispositifs d’isolement des éléments de production d’électricité et de protection mécanique du réseau électrique, la définition d’un plan d’organisation interne des secours ainsi que la conservation d’une voie d’intérêt opérationnel et un point d’alimentation en eau. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport sur le risque incendie réalisé par la société Socotec au mois de février 2020, que l’ensemble de ces mesures permet de porter le risque de développement d’un incendie sur la centrale photovoltaïque à un niveau plus faible que celui d’un départ de feu extérieur dans la forêt environnante. En outre, si le projet comporte des sources possibles de démarrage de feu, les éléments au dossier convergent pour retenir que de tels feux sont peu violents, les matériaux présents sur une centrale photovoltaïque étant faiblement combustibles, et qu’ils présentent un risque faible de propagation au milieu extérieur au vu de l’ensemble des mesures de prévention et d’éloignement du massif forestier observées. Le ministre, en se bornant à produire quelques articles de journaux faisant état de départs d’incendie sur des parcs photovoltaïques dont aucun ne s’est propagé à l’environnement des sites, ne se prévaut pas d’élément permettant de caractériser un risque pour la protection des personnes, des biens ou de l’ensemble forestier au sens des dispositions précitées. Par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l’erreur d’appréciation commise par la préfète de Lot-et-Garonne dans l’application des dispositions de l’article L. 341-5 du code forestier.

4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de la société La Goudue Terre & Watts. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société La Goudue Terre & Watts au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire est rejetée.

Article 2 : L’Etat versera à la société La Goudue Terre & Watts la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et à la société La Goudue Terre & Watts.

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