21BX02359

Décision du 13 décembre 2022

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La préfète de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler l’arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le maire de X a interdit l’utilisation de tout produit phytopharmaceutique contenant du glyphosate et autres substances chimiques utilisés pour lutter contre les organismes considérés comme nuisibles sur l’ensemble du territoire communal jusqu’à nouvel ordre.

La commune de X a demandé au tribunal de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime.

Par un jugement n° 2001381 du 14 avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a refusé de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de X et a annulé l’arrêté du maire de X du 20 septembre 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juin 2021 et 9 septembre 2022, la commune de X, représentée par Me Gossement, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 avril 2021 ;

2°) de rejeter le déféré préfectoral ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle sur la question de savoir si les substances qui, dans le cadre de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et leurs adjuvants, se déversent en dehors des zones traitées, constituent des déchets au sens de l’article 3 de la directive n° 2008/98/CE relative aux déchets ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

………………………

Par des mémoires distincts, enregistrés les 9 et 10 juin 2021 et 9 septembre 2022, la commune de X, d’une part, conteste le refus opposé par le tribunal administratif de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité à l’article 7 de la Charte de l’environnement et des dispositions de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, d’autre part, demande à la cour de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de ces mêmes dispositions aux articles 1er, 2, 3 et 5 de la Charte de l’environnement, au droit à la protection de la santé découlant Préambule de la Constitution de 1946 et à l’article 72 de la Constitution.

……………………………

Par des mémoires enregistrés le 12 août 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête et à la non-transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de X relative à la conformité des dispositions de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime aux articles 1er, 2, 3 et 5 de la Charte de l’environnement, au droit à la protection de la santé découlant du Préambule de la Constitution de 1946 et à l’article 72 de la Constitution.

…………………………………….

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 septembre 2019, le maire de X a interdit l’utilisation de tout produit phytopharmaceutique contenant du glyphosate et autres substances chimiques utilisés pour lutter contre les organismes considérés comme nuisibles sur l’ensemble du territoire communal jusqu’à nouvel ordre. La préfète de la Gironde a déféré cet arrêté au tribunal administratif de Bordeaux sur le fondement de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales. Par mémoire distinct, la commune de X, en défense, a demandé au tribunal de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité à l’article 7 de la Charte de l’environnement des dispositions de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime. Par un jugement du 14 avril 2021, le tribunal a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée et a annulé l’arrêté du maire de X du 20 septembre 2019. La commune de X relève appel de ce jugement et, par des mémoires distincts, d’une part, conteste le refus, opposé par les premiers juges, de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée en première instance, d’autre part, demande à la cour de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des dispositions de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime aux articles 1er, 2, 3 et 5 de la Charte de l’environnement, au droit à la protection de la santé découlant du Préambule de la Constitution de 1946 et à l’article 72 de la Constitution.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la commune de X fait valoir que le jugement attaqué aurait été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors que, pour écarter sa fin de non-recevoir tirée de l'incompétence du signataire du déféré préfectoral, ce jugement se réfère à un arrêté de délégation de signature du 12 novembre 2019, sans que cet arrêté ait fait l'objet d'une communication contradictoire Toutefois, dès lors que, comme le relève expressément le jugement, cet arrêté avait été régulièrement publié et était consultable sur le site internet de la préfecture de la Gironde, et eu égard au caractère réglementaire de cet acte, le tribunal n'a pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en se fondant sur l'existence de cet arrêté sans en ordonner préalablement la production au dossier.

3. En deuxième lieu, en se fondant sur l’arrêté de délégation de signature cité au point précédent pour écarter la fin de non-recevoir opposée par la commune de X, le tribunal n’a pas relevé d’office un moyen. Contrairement à ce soutient la commune appelante, le tribunal n’était dès lors pas tenu d’inviter les parties à présenter des observations sur le fondement invoqué de l’article R. 611-7 du code de justice administrative.

4. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 613-1 du code de justice administrative : « Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l’instruction sera close. Cette ordonnance n’est pas motivée et ne peut faire l’objet d’aucun recours (…) ». Aux termes de l’article R. 613-3 du même code : « Les mémoires produits après la clôture de l’instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l’instruction ». Aux termes de l’article R. 613-4 du même code : « Le président de la formation de jugement peut rouvrir l’instruction par une décision qui n’est pas motivée et ne peut faire l’objet d’aucun recours (…). Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque, après la clôture de l’instruction, le juge est saisi d’un mémoire émanant d’une des parties, il lui appartient d’en prendre connaissance ainsi que de le viser dans sa décision. S’il a toujours la faculté d’en tenir compte après l’avoir analysé et avoir rouvert l’instruction, il n’est tenu de le faire, à peine d’irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient l’exposé soit d’une circonstance de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office.

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, dans un mémoire produit le 26 mars 2011, soit après la clôture de l’instruction, fixée au 12 mars 2021, la commune de X a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des dispositions de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime aux articles 1er, 2, 3 et 5 de la Charte de l’environnement, au droit à la protection de la santé découlant du Préambule de la Constitution de 1946 et à l’article 72 de la Constitution. La seule circonstance d’une question prioritaire de constitutionnalité analogue avait été transmise au Conseil d’Etat par une ordonnance du 11 mars 2021 de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montreuil ne suffit pas à considérer que le mémoire de la commune de X contenait l’exposé d’une circonstance de droit nouvelle. Contrairement à ce qu’elle soutient, le tribunal n’était dès lors pas tenu de rouvrir l’instruction pour tenir compte de ce mémoire.

6. Enfin, aux termes de l’article 23-3 de l’ordonnance portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, relatif à la question prioritaire de constitutionnalité : « Lorsque la question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu'à réception de la décision du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation ou, s'il a été saisi, du Conseil constitutionnel. Le cours de l'instruction n'est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires. (…) ». Aux termes de l’article R. 776-1 du code de justice administrative : « La juridiction n'est pas tenue de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, une disposition législative dont le Conseil d'Etat ou le Conseil constitutionnel est déjà saisi. En cas d'absence de transmission pour cette raison, elle diffère sa décision sur le fond, jusqu'à ce qu'elle soit informée de la décision du Conseil d'Etat ou, le cas échéant, du Conseil constitutionnel ».

7. Ainsi qu’il a été dit, le tribunal a régulièrement décidé de ne pas rouvrir l’instruction aux fins de tenir compte du mémoire de la commune de X soulevant la question prioritaire de constitutionnalité mentionnée au point 5. Il n’était dès lors pas tenu de différer sa décision sur le fond jusqu’à la décision du Conseil d’Erat ou, le cas échéant, du Conseil constitutionnel, sur la même question prioritaire de constitutionnalité alors transmise par le tribunal administratif de Montreuil.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

8. Il ressort des pièces produites devant la cour que M. Thierry Suquet, signataire du déféré préfectoral présenté devant le tribunal administratif, a été nommé secrétaire général de la préfecture de la Gironde par décret du Président de la République du 25 novembre 2015, publié au Journal officiel de la République Française le 27 novembre 2015. Il bénéficiait, en vertu d’un arrêté de la préfète de la Gironde du 12 novembre 2019, régulièrement publié, d’une délégation à l’effet de signer, notamment, les requêtes en lien avec les attributions de l’Etat dans le département. Si la commune de X fait valoir que l’absence de la préfète de la Gironde ne serait pas établie, cette délégation n’était en tout état de cause pas subordonnée à l’absence ou l’empêchement de la préfète. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée au déféré, tirée de l’incompétence de son signataire, ne peut qu’être écartée.

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par la commune de X :

9. Aux termes du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime : « I. - Sans préjudice des missions confiées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, l'autorité administrative peut, dans l'intérêt de la santé publique ou de l'environnement, prendre toute mesure d'interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l'utilisation et la détention des produits mentionnés à l'article L. 253-1 du présent code et des semences traitées par ces produits (…). L'autorité administrative peut interdire ou encadrer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des zones particulières (…) ».

10. Il résulte de ces dispositions, et de celles des articles L. 253-1, L. 253-7-1, L. 253-8, R. 253-1, R. 253-45, D. 253-45-1 du code rural et de la pêche maritime ainsi que de l’article 5 de l'arrêté du 4 mai 2017, que le législateur a organisé une police spéciale de la mise sur le marché, de la détention et de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, confiée à l’Etat et dont l'objet est, conformément au droit de l'Union européenne, d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l'environnement tout en améliorant la production agricole et de créer un cadre juridique commun pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, alors que les effets de long terme de ces produits sur la santé restent, en l'état des connaissances scientifiques, incertains. Si les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne peut légalement user de cette compétence pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques qu’il appartient aux seules autorités de l'Etat de prendre.

11. La commune de X conteste le refus du tribunal administratif de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée en première instance et relative à la conformité à l’article 7 de la Charte de l’environnement des dispositions de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime. En appel, elle soutient en outre que ces dispositions, telles qu’interprétées au point 10 selon une jurisprudence constante du Conseil d’Etat, méconnaîtraient les articles 1er, 2, 3 et 5 de la Charte de l’environnement, le droit à la protection de la santé découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi que les deuxième et troisième alinéas de l’article 72 de la Constitution, en ce qu’elles excluent toute possibilité d’intervention du maire pour réglementer les conditions générales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques, y compris lorsque serait constatée la carence de l’Etat à prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé publique et de l’environnement.



12. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles 1er, 2, 3, 5 et 7 de la Charte de l’environnement que les principes, droits et devoirs qu’ils énoncent s’imposent aux autorités publiques dans leur domaine de compétence respectif. La commune ne saurait, dès lors, utilement soutenir que ces dispositions seraient méconnues au seul motif que le maire ne peut légalement user de la compétence qu’il tient des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

13. En deuxième lieu, ainsi qu’il a été dit au point 10, le législateur a organisé une police spéciale de la mise sur le marché, de la détention et de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, confiée à l’Etat et dont l'objet est d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement tout en améliorant la production agricole et de créer un cadre juridique commun pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Il appartient ainsi à l’autorité administrative de l’Etat de prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière, s’agissant de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, qui s’avère nécessaire à la protection de la santé publique. En cas de carence de l’autorité administrative dans l’exercice de ces pouvoirs de police spéciale constatée par une décision juridictionnelle, il incombe à cette autorité de prendre les mesures qu’implique l’exécution de cette décision, dans le délai qu’elle impartit. Dès lors, la seule circonstance que le maire ne puisse édicter une réglementation portant sur les conditions générales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques en cas de carence des autorités de l’Etat ne peut être regardée comme portant atteinte au droit à la protection de la santé.

14. En troisième lieu, d’une part, les dispositions du deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution ne peuvent être utilement invoquées à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité. D’autre part, contrairement à ce que soutient la commune, les dispositions de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime n’ont ni pour objet ni pour effet de restreindre la libre administration des communes, la compétence qu’elles tiennent des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et la compétence dévolue par la loi aux autorités de l’Etat pour réglementer les conditions générales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques ayant un objet distinct. Dès lors, le grief tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ne peut qu’être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par la commune de X, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas un caractère sérieux. Il n’y a, dès lors, pas lieu de les transmettre au Conseil d’Etat.

Sur la légalité de l’arrêté du maire de X du 20 septembre 2019 :

16. La commune de X se prévaut en premier lieu de l’illégalité des articles R. 253-1 et R. 253-45 du code rural et de la pêche maritime, qui désignent les autorités de l’Etat titulaires de la police spéciale de la mise sur le marché, de la détention et de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. La commune fait valoir que ces dispositions sont issues du décret du 9 mai 2012 relatif à la mise en conformité des dispositions nationales avec le droit de l'Union européenne en ce qui concerne la mise sur le marché et l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, lequel a été illégalement adopté faute de respect du principe de la participation du public garanti par l’article 7 de la Charte de l’environnement et l’article L. 120-1 du code de l’environnement. Toutefois, les dispositions du décret en cause attribuant cette police spéciale aux ministres chargés de l’agriculture et de la santé publique, eu égard à leur finalité et à leur portée, ne peuvent être regardées comme ayant une incidence sur l’environnement au sens des dispositions invoquées. Le moyen ne peut dès lors qu’être écarté.

17. En deuxième lieu, la commune de X fait valoir que son maire était compétent pour édicter l’arrêté en litige en raison, d’une part, de circonstances locales particulières, d’autre part, de la carence des autorités de l’Etat détentrices de la police spéciale des produits phytopharmaceutiques. Cependant, en interdisant l’utilisation de tout produit phytopharmaceutique contenant du glyphosate et autres substances chimiques utilisés pour lutter contre les organismes considérés comme nuisibles sur l’ensemble du territoire communal, le maire de X a pris une mesure de réglementation relative aux conditions générales d'utilisation de ces produits. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 10, le maire ne peut légalement user de sa compétence de police générale pour édicter une telle réglementation, qu’il appartient aux seules autorités de l'Etat de prendre.

18. La commune de X fait enfin valoir que l’utilisation de produits phytopharmaceutiques entraînant nécessairement des résidus qui peuvent s’épandre au-delà de la zone traitée et qui, une fois déversés, deviennent des déchets, le maire était compétent pour prononcer l’interdiction litigieuse au titre de ses pouvoirs de police spéciale des déchets lui appartenant en vertu de l’article L. 541-1 du code de l’environnement et sur le fondement de ses pouvoirs de police sanitaire en vertu des articles L. 1311-1 et L. 1311-2 du code de la santé publique et des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. La commune sollicite en conséquence une substitution de base légale et de motifs.

19. Aux termes de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté en litige : « I.- Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé./ Au terme de cette procédure, si la personne concernée n'a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours : 1° L'obliger à consigner entre les mains d'un comptable public une somme correspondant au montant des mesures prescrites, laquelle est restituée au fur et à mesure de l'exécution de ces mesures (…) 2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites (…) 3° Suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages, la réalisation des travaux et des opérations, ou l'exercice des activités qui sont à l'origine des infractions constatées jusqu'à l'exécution complète des mesures imposées et prendre les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure ; 4° Ordonner le versement d'une astreinte journalière (…)5° Ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 150 000 €/ II.- En cas d'urgence, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement (...) ».

20. Par ailleurs, aux termes de l’article L. 1311-1 du code de la santé publique : « Sans préjudice de l'application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d'Etat, pris après consultation du Haut Conseil de la santé publique et, le cas échéant, du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, fixent les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, notamment en matière (…) d'exercice d'activités non soumises à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement / (…) de lutte contre les nuisances sonores et la pollution atmosphérique (…) ». Aux termes de l’article L. 1311-2 du même code : « Les décrets mentionnés à l'article L. 1311-1 peuvent être complétés par des arrêtés du représentant de l'Etat dans le département ou par des arrêtés du maire ayant pour objet d'édicter des dispositions particulières en vue d'assurer la protection de la santé publique dans le département ou la commune. (…) ». Les articles L. 2212-1 et L. 2212 2 du code général des collectivités territoriales habilitent enfin le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires, notamment, à la salubrité publique.

21. Si les articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement ont créé un régime juridique destiné à prévenir ou à remédier à toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement causée par des déchets et, qu'à ce titre, l'article L. 541-3 confère notamment à l'autorité investie des pouvoirs de police municipale la compétence pour prendre les mesures nécessaires pour assurer l'élimination des déchets dont l'abandon, le dépôt ou le traitement présentent de tels dangers, l’arrêté en litige, qui interdit l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate et autres substances chimiques utilisés pour lutter contre les organismes considérés comme nuisibles sur l’ensemble du territoire communal, se rapporte aux conditions générales d’utilisation de tels produits, lesquels ne sauraient être assimilés à un dépôt de déchets, qu’il appartient aux seules autorités de l’Etat de prendre. Cette interdiction ne pouvait dès lors être légalement fondée sur la compétence du maire en matière de police spéciale des déchets. Elle ne pouvait pas davantage être fondée, pour les mêmes motifs, sur les articles L. 1311-1 et L. 1311-2 du code de la santé publique et L. 2212-1 et L. 2212 2 du code général des collectivités territoriales.

22. Il résulte de tout ce qui précède, d’une part, qu’il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par la commune de X, d’autre part, que cette commune n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l’arrêté de son maire du 20 septembre 2019, sans qu’il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union européenne. Les conclusions de la commune de X présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par la commune de X.

Article 2 : La requête de la commune de X est rejetée.

……………………………

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