22BX01656

Décision du 9 septembre 2022

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La maire de la commune de L a demandé au tribunal administratif de Limoges de déclarer M. B démissionnaire de ses fonctions de conseiller municipal.

Par un jugement n° 2200488 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2022, le maire de L, représenté par la société d’avocats DMMJB, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 19 mai 2022 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) de déclarer M. B démissionnaire de ses fonctions de conseiller municipal ;

3°) de mettre à charge de M. B une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

………..

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2022, M. B, représenté par Me Cronnier, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l’Etat d’une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

……………

Par un mémoire enregistré le 11 août 2022, le ministre de l’intérieur s’est approprié les écritures du maire de L.

…………..

Un mémoire a été produit pour le maire de L le 29 août 2022, postérieurement à la clôture de l’instruction.

……………...

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de la commune de L relève appel du jugement du 19 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à ce que M. B soit déclaré démissionnaire d’office de son mandat de conseiller municipal. A la suite d’une demande de régularisation, le ministre de l’intérieur s’est approprié la requête d’appel du maire de L.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales : « Tout membre d’un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif. / Le refus résulte soit d’une déclaration expresse adressée à qui de droit ou rendue publique par son auteur, soit de l’abstention persistante après avertissement de l’autorité chargée de la convocation. / Le membre ainsi démissionnaire ne peut être réélu avant le délai d’un an. ». Aux termes de l’article R. 2121-5 du même code : « Dans les cas prévus à l’article L. 2121-5, la démission d’office des membres des conseils municipaux est prononcée par le tribunal administratif. / Le maire, après refus constaté dans les conditions prévues par l’article L. 2121-5 saisit dans le délai d’un mois, à peine de déchéance, le tribunal administratif. Faute d'avoir statué dans le délai fixé à l'alinéa précédent, le tribunal administratif est dessaisi. Le greffier en chef en informe le maire en lui faisant connaître qu'il a un délai d'un mois, à peine de déchéance, pour saisir la cour administrative d'appel. (…). ».

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la demande du maire de L a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Limoges le 7 avril 2022. Le 19 mai 2022, date à laquelle le jugement attaqué a été rendu, le délai d’un mois fixé par les dispositions citées ci-dessus était expiré et le tribunal administratif se trouvait dessaisi de la demande. Son jugement est, dès lors, entaché d’irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé.

4. Il y a lieu pour la cour, à laquelle aucun délai n’est prescrit à peine de dessaisissement, de statuer sur la demande présentée par le maire de L devant le tribunal administratif de Limoges.

Au fond :

5. Aux termes de l’article R. 42 du code électoral : « Chaque bureau de vote est composé d’un président, d’au moins deux assesseurs et d’un secrétaire choisi par eux parmi les électeurs de la commune (...) Deux membres du bureau au moins doivent être présents pendant tout le cours des opérations électorales (…) ». Aux termes de l’article R. 44 du code électoral : « Les assesseurs de chaque bureau sont désignés conformément aux dispositions ci-après : / - chaque candidat, binôme de candidats ou chaque liste en présence a le droit de désigner un assesseur et un seul pris parmi les électeurs du département ; / - des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l’ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune. (…) ».

6. Il résulte de ces dispositions que la fonction d'assesseur de bureau de vote qui peut être confiée par le maire à des membres du conseil municipal compte parmi les fonctions qui leur sont dévolues par les lois au sens de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales. Un conseiller municipal ne peut se soustraire à cette obligation que s'il est en mesure, sous le contrôle du juge administratif, de présenter une excuse valable.

7. Il résulte de l’instruction que le maire de L a, par courriels des 16, 17 et 30 mars 2022, invité les conseillers municipaux à faire connaître leurs disponibilités pour la tenue des bureaux de vote de la commune à l’occasion de l’élection présidentielle les 10 et 24 avril suivants. Par un courriel du 1er avril 2022, auquel était joint un justificatif de réservation d’un vol aller-retour pour le Portugal, M. B, conseiller municipal de la commune de L, a expressément refusé d'exercer le 24 avril 2022 les fonctions d'assesseur de bureau de vote. Ce dernier justifie que les billets d’avion, dont l’aller était programmé le 17 avril 2022 et le retour le 27 avril suivant, ont été achetés dès septembre 2021 par ses enfants comme cadeau d’anniversaire pour son épouse. Il justifie également que tant l’achat de ces billets d’avion que le paiement, pour un montant de 751,75 euros, d’une location de vacances, ont été effectués antérieurement à la publication du décret du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l’élection du président de la République et fixant les dates du scrutin. Il résulte enfin du justificatif de réservation que les vols d’avion n’étaient pas annulables et que leur modification était subordonnée au paiement de frais conséquents. Dans ces conditions particulières, et alors au demeurant que M. B avait pris le soin de se faire remplacer par un autre conseiller municipal pour tenir un bureau de vote le 24 avril 2022, ce dernier doit être regardé comme ayant présenté une excuse valable au sens de l’article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales précité.

8. Il résulte de ce qui précède que le maire de L n’est pas fondé à demander que M. B soit déclaré démissionnaire d’office de son mandat de conseiller municipal.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2200488 du 19 mai 2022 du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : La demande du maire de L tendant à ce que M. B soit déclaré démissionnaire d’office de son mandat de conseiller municipal est rejetée.

Article 3 : L’Etat versera à M. B une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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