21BX00553

Décision du 22 mars 2022

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et le groupement foncier agricole (GFA) Geoffrion ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler la décision du 5 septembre 2012 par laquelle la commission de classement des crus classés de l’appellation d’origine contrôlée (AOC) « Saint Emilion grand cru » a refusé le classement de leur exploitation, le Château Croque Michotte, aux fins d’être autorisée à utiliser la mention « grand cru classé », d’annuler les décisions individuelles de classement figurant dans l’arrêté interministériel du 29 octobre 2012 portant homologation du classement des crus de l’AOC « Saint-Emilion grand cru » et d’ordonner à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) ou à l’Etat de produire différentes pièces et échantillons relatifs à l’organisation et au déroulement des opérations de classement.



Par un jugement n° 1300651 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.



Par un arrêt no 16BX00704 du 12 avril 2019, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel formé par M. A... et le GFA Geoffrion contre ce jugement.



Par une décision du 12 février 2021, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a, saisi d’un pourvoi présenté par M. A... et le GFA Geoffrion, annulé l’arrêt du 12 avril 2019 de la cour en tant qu’il a jugé irrecevables les conclusions présentées par les intéressés tendant à l’annulation de la décision du 5 septembre 2012 refusant le classement de leur exploitation aux fins d’être autorisée à utiliser la mention « grand cru classé » et a renvoyé, dans cette mesure, l’affaire devant la cour.

Procédure devant la cour administrative d’appel :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 février 2016, 30 août 2017, 31 octobre 2017 et 29 novembre 2018 ainsi que par des mémoires enregistrés les 2 juillet, 26 octobre et 20 décembre 2021, M. A... et le GFA Geoffrion, représentés par Me Maisonneuve puis par Me Morain et la SCP Celice-Texidor-Perier, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d’annuler le jugement n° 1300651 du tribunal administratif de Bordeaux du 17 décembre 2015 ;

2°) d’annuler la décision du 5 septembre 2012 par laquelle la commission de classement des crus classés de l’AOC « Saint-Emilion grand cru » a refusé le classement de leur exploitation aux fins d’être autorisée à utiliser la mention « grand cru classé » ;

3°) d’enjoindre à l’INAO, ou à l’Etat, de produire l’identité des échantillons de calage, ainsi que la totalité des contrats de prestations de service conclus entre Qualisud et les personnes qui ont procédé aux dégustations, avec leurs annexes ;

4°) de solliciter, avant-dire droit, du juge d’instruction la communication du procès-verbal de synthèse du 27 mai 2015 et, le cas échéant, des actes de procédure pris dans le cadre de l’instruction ;

5°) de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale en cours pour prise illégale d’intérêt ;

6°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. M. A..., gérant de l’exploitation Château Croque Michotte, et le GFA Geoffrion, propriétaire de cette exploitation, ont déposé auprès de l’INAO un dossier de candidature afin de bénéficier de la mention « grand cru classé » de l’AOC « Saint-Emilion grand cru ». A l’issue d’un premier examen de leur candidature par la commission de classement des crus classés de l’appellation, l’INAO les a informés, le 7 juin 2012, que celle-ci n’avait pas été retenue. Les intéressés ont sollicité, le 20 juin 2012, un nouvel examen de leur dossier de candidature. A l’issue de ce second examen, la commission de classement a de nouveau écarté leur candidature, le 5 septembre 2012, et a proposé le lendemain au comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des eaux-de-vie de l’INAO une liste de soixante-quatre crus admis à la mention « grand cru classé », sur laquelle ne figurait pas le Château Croque Michotte. Après son approbation par le comité national, cette liste a été homologuée par un arrêté du 29 octobre 2012 du ministre de l’agriculture et de l’alimentation et du ministre de l’économie et des finances. M. A... et le GFA Geoffrion ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler la décision du 5 septembre 2012 de la commission de classement ainsi que les décisions individuelles de classement figurant dans l’arrêté interministériel du 29 octobre 2012 et d’ordonner à l’INAO ou à l’État de produire des pièces et échantillons relatifs à l’organisation et au déroulement des opérations de classement. Par un jugement du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. Par un arrêt n° 16BX00704 du 12 avril 2019, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel formé par M. A... et le GFA Geoffrion. Par une décision du 12 février 2021, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a, saisi d’un pourvoi présenté par les intéressés, annulé l’arrêt du 12 avril 2019 de la cour en tant qu’il a jugé irrecevables les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 5 septembre 2012 refusant le classement de leur exploitation aux fins d’être autorisée à utiliser la mention « grand cru classé » et a renvoyé, dans cette mesure, l’affaire devant la cour.

Sur l’intervention du Conseil des vins de Saint-Emilion :



2. Aux termes de l’article 2 de ses statuts votés le 28 juin 2007, le Conseil des vins de Saint-Emilion a pour objet « (…) / 1. de défendre les intérêts des A.O.C. Saint-Emilion, Saint-Emilion Grand cru et du classement attaché (…) » et « / 2. d’étudier et de défendre les droits ainsi que les intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes visées par ses statuts ». Eu égard à cet objet, le Conseil des vins de Saint-Emilion a intérêt au maintien du jugement attaqué. Par conséquent, son intervention, régulièrement présentée, est recevable.

Sur la régularité du jugement attaqué :



3. En premier lieu, il ressort du point 5 du jugement attaqué que les premiers juges, après avoir relevé que le cahier des charges de l’AOC « Saint-Emilion grand cru » homologué par le décret du 5 décembre 2011 avait modifié certaines dispositions du précédent cahier des charges de ladite appellation, homologué par le décret du 11 février 2011, ont estimé que les modifications apportées n’étaient pas inconciliables avec le règlement de classement adopté par l’arrêté du 6 juin 2011. Le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre à l’ensemble des arguments de la demande, a ainsi suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que le règlement de classement homologué par l’arrêté du 6 juin 2011 ne pouvait constituer le fondement réglementaire de la décision contestée.



4. En deuxième lieu, il ressort du point 8 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n’étaient pas tenus de répondre à l’ensemble des arguments de la demande, ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de ce qu’une procédure nationale d’opposition aurait dû être mise en œuvre préalablement à l’homologation du cahier des charges relatif à l’AOC « Saint-Emilion grand cru » par le décret du 5 décembre 2011, en indiquant les raisons pour lesquelles ils estimaient que les modifications apportées à ce cahier des charges ne pouvaient être regardées comme des « modifications majeures » au sens de l’article R. 614-20-1 du code rural et de la pêche maritime.



5. En troisième lieu, dans le cadre de la contestation d’un acte réglementaire par voie d’exception, ne peuvent être utilement critiquées les conditions d’édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux. Par conséquent, le tribunal administratif n’était pas tenu de répondre aux moyens, soulevés par voie d’exception, tirés de l’illégalité du règlement homologué le 6 juin 2011 en raison de l’irrégularité de la composition du Conseil des vins de Saint-Emilion à l’occasion du vote de son conseil d’administration du 18 janvier 2011 approuvant le règlement et de l’absence de quorum.

6. En quatrième lieu, si M. A... et le GFA Geoffrion soutiennent que le tribunal ne s’est pas prononcé sur les moyens tirés de ce que le quorum n’était pas atteint lors de la séance du 16 juin 2011 de la commission permanente du comité national des appellations d’origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des eaux de vie et de l’irrégularité de la composition de cette commission permanente, il ne ressort pas des écritures de première instance que ces moyens auraient été soulevés par les intéressés devant les premiers juges.



7. En cinquième lieu, si les requérants ont invoqué en première instance une violation des principes d’égalité et de transparence, il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif a écarté les moyens ainsi soulevés en indiquant les raisons pour lesquelles il estimait que ces principes n’avaient pas été méconnus. Le tribunal administratif n’était pas tenu de répondre à l’ensemble des arguments invoqués à l’appui du moyen tiré de la violation du principe d’égalité. En particulier, il n’était pas tenu de répondre à l’argument selon lequel les vins dégustés étaient de typicité différente.



8. En sixième lieu, il est vrai, ainsi que le font valoir les requérants, que le règlement du classement homologué par l’arrêté du 6 juin 2011 détaille les éléments d’appréciation, tels que « les modes de distribution » ou « l’assiette foncière », pouvant être pris en compte par la commission de classement des crus classés de l’AOC « Saint-Emilion grand cru » afin d’évaluer les quatre principaux critères de notation définis par ce règlement, à savoir, le « niveau de qualité et la constance des vins », la « notoriété », la « caractérisation de l’exploitation » et la « conduite de l’exploitation ». Toutefois, aucun texte ni aucun principe n’obligeait la commission de classement à pondérer ou à noter de manière individualisée ces éléments d’appréciation détaillés, lesquels ne constituaient pas, en eux-mêmes, les quatre critères de notation précités. Les premiers juges n’étaient donc pas tenus de répondre aux moyens tirés de l’absence de notation et de pondération de ces éléments, tels que « les modes de distribution » ou « l’assiette foncière », alors même qu’ils étaient qualifiés de sous-critères par les requérants.

9. En septième lieu, si les requérants ont sollicité, en première instance, la communication de plusieurs éléments relatifs aux opérations de classement des crus classés de l’AOC « Saint-Emilion grand cru », il ressort de la motivation du jugement attaqué que les premiers juges se sont estimés suffisamment informés et ont entendu écarter cette demande de communication comme étant sans intérêt pour la solution du litige. Par conséquent, le moyen tiré d’une omission à statuer sur ce point doit être écarté.

10. En huitième lieu, il ressort du point 29 du jugement attaqué que les premiers juges, après avoir exposé avec précision le processus de sélection des dégustateurs entrepris par l’organisme Qualisud sur la base d’un protocole fixant les modalités des opérations de présélection, de sélection, de formation et d’étalonnage, en ont conclu que ce processus a permis de sélectionner des jurés à la fois indépendants et justifiant de l’expertise requise pour apprécier le niveau de qualité et la constance des vins candidats. Le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre à l’ensemble des arguments de la demande, a ainsi suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que certains dégustateurs ont été recrutés parmi des négociants pouvant être parties au classement.

11. En dernier lieu, les requérants reprochent au tribunal administratif de n’avoir pas répondu à plusieurs arguments présentés à l’appui de leur moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation dont serait entachée la notation, en particulier concernant le critère lié à la caractérisation de leur exploitation, quant à sa topologie, le degré d’enracinement des vignes ainsi que la densité de plantation. Toutefois, les premiers juges, qui n’étaient pas tenus d’écarter l’ensemble des arguments invoqués à l’appui de ce moyen, y ont suffisamment répondu aux points 36 à 40 du jugement.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement est régulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 5 septembre 2012 :

13. En premier lieu, le cahier des charges de l’AOC « Saint-Emilion grand cru » homologué par le décret du 11 février 2011 relatif à l’AOC « Saint-Emilion grand cru » prévoit, au point XII de son chapitre 1er, que l'utilisation des mentions « grand cru classé » ou « premier grand cru classé » est réservée aux exploitations viticoles ayant fait l'objet d'un classement officiel homologué sur lequel ne peuvent figurer que les exploitations viticoles qui répondent aux dispositions d’un règlement fixant les conditions requises pour pouvoir bénéficier de ces mentions, homologué par arrêté conjoint du ministre de l'agriculture et du ministre chargé de la consommation, après avis de l'organisme de défense et de gestion intéressé et sur proposition de l'Institut national de l'origine et de la qualité. En application de ces dispositions, un règlement concernant le classement des « premiers grands crus classés » et des « grands crus classés » de l’AOC « Saint-Emilion grand cru » a été homologué le 6 juin 2011.

14. D’une part, les requérants soutiennent que l’abrogation du décret du 11 février 2011 par le décret du 5 décembre 2011 relatif à l’AOC « Saint-Emilion grand cru », homologuant un nouveau cahier des charges de cette appellation, a eu pour effet de priver de base légale l’arrêté portant homologation du règlement du 6 juin 2011 et, partant, la décision du 5 septembre 2012 prise sur le fondement de ce règlement. Toutefois, les dispositions du règlement du 6 juin 2011 concernant le classement des « premiers grands crus classés » et des « grands crus classés » ne sont pas inconciliables avec le nouveau cahier des charges homologué en décembre 2011 qui, à l’instar du cahier des charges homologué en février 2011, renvoie à un règlement le soin de fixer les conditions requises pour pouvoir bénéficier ces mentions. A cet égard, la circonstance que le cahier des charges homologué le 5 décembre 2011 a apporté quelques modifications aux règles régissant l’AOC « Saint-Emilion grand cru », notamment s’agissant de la conduite du vignoble, n’est pas de nature à rendre ce nouveau cahier des charges inconciliable avec le règlement du 6 juin 2011, qui n’a ni pour objet ni pour effet de fixer les conditions auxquelles les vins doivent satisfaire pour pouvoir prétendre à l’AOC. Dès lors, ce règlement doit être regardé comme étant demeuré applicable jusqu’à son abrogation, par un arrêté du 14 mai 2020, qui a procédé à l’adoption d’un nouveau règlement.

15. D’autre part, les conditions d’édiction d’un acte réglementaire ainsi que les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne peuvent être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux. Dès lors, M. A... et le GFA Geoffrion ne peuvent, en tout état de cause, utilement se prévaloir, par voie d’exception, de ce que, en application des dispositions de l’article L. 624-20-1 du code rural et de la pêche maritime et des stipulations du règlement (CE) n° 607/2009 de la Commission du 14 juillet 2009, l’adoption d’un nouveau cahier des charges, le 5 décembre 2011, nécessitait la mise en œuvre d’une procédure nationale d’opposition. De même, sont inopérants les moyens, soulevés par voie d’exception, tirés de ce que l’arrêté du 6 juin 2011 homologuant le règlement relatif au classement des « premiers grands crus classés » et des « grands crus classés », qui revêt la nature d’un acte réglementaire, serait illégal en l’absence de saisine régulière, pour avis, de l’organe compétent du Conseil des Vins de Saint-Emilion et en raison de la méconnaissance des règles de quorum de cet organisme.

16. En deuxième lieu, M. A... et le GFA Geoffrion se prévalent de l’illégalité de l’arrêté du 8 février 2007 fixant la composition du comité national des vins, eaux-de-vie et autres boissons alcoolisées de l’INAO qui, jusqu’à sa modification par un arrêté du 1er juillet 2011, ne comprenait pas de représentant du comité national des indications géographiques protégées relatives aux vins et aux cidres, créé par décret du 7 octobre 2009 mettant la partie réglementaire du code rural en conformité avec la réglementation communautaire en matière vitivinicole et portant diverses adaptations. Toutefois, l’illégalité d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s’il en constitue la base légale. La décision attaquée du 5 septembre 2012 par laquelle la commission de classement a refusé aux requérants le classement de leur exploitation n’est pas un acte pris pour l’application de l’arrêté du 8 février 2007, qui ne constitue pas plus la base légale de cette décision. Dès lors, le moyen tiré de ce que l’arrêté du 8 février 2007 serait illégal à compter de l’entrée en vigueur du décret du 7 octobre 2009 est inopérant et doit être écarté.

17. En troisième lieu, la seule création du comité national des indications géographiques protégées relatives aux vins et aux cidres, par décret du 7 octobre 2009 n’obligeait pas l’INAO à modifier la composition du comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des eaux-de-vie telle que fixée par l’arrêté du 8 février 2007, avant sa modification par un arrêté du 1er juillet 2011. Il est constant qu’à la date des délibérations du 10 février 2011 du comité proposant le projet de règlement de classement et du 16 juin 2011 de la commission permanente du comité nommant les membres de la commission de classement, la composition du comité national était conforme à l’arrêté du 8 février 2007, dans sa rédaction alors en vigueur. Si M. A... et le GFA Geoffrion font valoir que, conformément aux dispositions de l’article 1er de l’arrêté du 8 février 2007 portant nomination au comité national des vins, eaux-de-vie et autres boissons alcoolisées de l'INAO, le premier mandat de ses membres s’achevait le 11 août 2010, ce premier mandat a été prolongé jusqu’au 8 février 2012 par l’article 4 du décret du 30 juillet 2010 portant diverses adaptations de la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime, avant qu’un arrêté du 9 février 2012 procède à une nouvelle nomination des membres de ce comité devenu, en application de l’article 4 du décret du 7 octobre 2009, « comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des eaux-de-vie », pour une durée de cinq ans. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de l’irrégularité de la composition du comité national à l’occasion de ces instances et, partant, de l’irrégularité de la procédure d’adoption de la décision litigieuse. Par ailleurs, contrairement à ce qui est également soutenu, il ressort des éléments versés au dossier et notamment du compte-rendu de la délibération précitée du 16 juin 2011, que le quorum était atteint lors de cette séance.

18. En quatrième lieu, aux termes de l’article 2 du règlement concernant le classement des « premiers grands crus classés » et des « grands crus classés » de l’AOC Saint-Emilion grand cru, homologué par l’arrêté du 6 juin 2011 relatif à ce règlement : « / (…) / Une commission de sept membres dite commission de classement des crus classés de l'appellation Saint-Emilion grand cru est nommée par le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des eaux-de-vie de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), ou par délégation par sa commission permanente. Les membres composant cette commission sont soit des membres du comité national, soit des personnalités extérieures choisies en fonction de leur compétence. / Cette commission est chargée d'organiser les travaux liés au classement et de proposer au comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des eaux-de-vie la liste des grands crus classés et des premiers grands crus classés en vue de son approbation par ledit comité, et avant homologation par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de la consommation. / Le président de la commission de classement est nommé par le comité national susvisé. / Les membres de la commission n'ont pas d'intérêts directs audit classement. / (…) / La commission de classement fonctionne selon les règles applicables aux commissions d'enquête fixées dans l'article 3 du règlement intérieur de l'INAO. (…) ».

19. Il résulte de ces dispositions qu’afin d’assurer le respect du principe d’impartialité, le règlement homologué le 6 juin 2011 prévoit que les membres de la commission de classement des crus classés de l'AOC Saint-Emilion grand cru, qu’ils soient membre du comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des eaux-de-vie de l’INAO ou des personnalités extérieures, ne doivent pas avoir d’intérêt direct audit classement. Au demeurant, le principe d’impartialité, qui garantit aux administrés que toute autorité administrative, individuelle ou collégiale, est tenue de traiter leurs affaires sans préjugés ni partis pris, est applicable même sans texte. Dès lors, M. A... et le GFA Geoffrion ne sont pas fondés à soutenir que ledit règlement est illégal faute de prévoir que les membres de la commission de classement ne doivent pas avoir d’intérêt indirect à ce classement et de préciser les garanties que doivent présenter les personnalités extérieures pour en être désignées comme membres.

20. En cinquième lieu, les requérants soutiennent que la décision du 5 septembre 2012 qu’ils contestent est intervenue à l’issue d’une procédure menée en méconnaissance du principe d’impartialité dès lors que MM. E... et M. D..., directement intéressés au classement des crus classés de l'appellation Saint-Emilion grand cru en tant que propriétaire ou copropriétaire de châteaux candidats, étaient également membres du comité national des appellations d’origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des eaux-de-vie de l’INAO, en leur qualité de membres du comité régional vins et eaux-de-vie pour la région sud-ouest et auraient notamment participé aux délibérations du comité national ou de sa commission permanente du 10 février 2011 adoptant le règlement de classement, du 16 juin 2011 procédant à la désignation des membres de la commission de classement et du 6 septembre 2012 approuvant les propositions finales de la commission de classement. A cet égard, M. A... et le GFA Geoffrion font état de ce que, par un jugement du 25 octobre 2021, le tribunal correctionnel de Bordeaux a reconnu M. E... coupable du chef de prise illégale d’intérêts en raison de sa participation aux différentes étapes de la procédure de classement et l’a condamné à une amende de 60 000 euros dont 20 000 euros avec sursis.

21. Toutefois, d’une part, le jugement du tribunal correctionnel précise que M. E... n’était pas poursuivi pour trafic d’influence mais pour prise illégale d’intérêts, qu’ainsi le tribunal n’avait pas à rechercher s’il avait été ou non avantagé, le jugement précisant également que l’intérêt de celui-ci dans l’opération n’était pas nécessairement en contradiction avec l’intérêt général. D’autre part, il ressort des termes précités de l’article 2 du règlement concernant le classement des « premiers grands crus classés » et des « grands crus classés » que seuls les sept membres de la commission de classement, dont ne faisaient pas partie M. E... et M. D..., étaient compétents pour organiser les travaux liés au classement et proposer au comité national des appellations d’origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des eaux-de-vie de l’INAO les vins éligibles à ce classement. A cet effet, en application de l’article 6 dudit règlement, la commission s’est appuyée notamment sur les travaux de deux organismes tiers et indépendants en charge respectivement, d'une part, de l'organisation de la dégustation des vins prélevés et, d'autre part, d'assister la commission, à sa demande, notamment pour effectuer des contrôles sur pièces et sur place. Il n’est pas établi, ni même sérieusement allégué, que les membres de cette commission, qui ont été désignés par une délibération du 16 juin 2011 de la commission permanente du comité national, aient eu un quelconque intérêt direct ou indirect au classement, conformément à la déclaration d’absence de conflit d’intérêts et de confidentialité que chacun d’entre eux a signée au cours du mois de juin 2011, avant le début des travaux de la commission. La seule circonstance que les membres de cette commission ont été choisis parmi des membres ou anciens membres du comité national, ainsi que l’autorisent les dispositions précitées de l’article 2 du règlement homologué le 6 juin 2011, n’est pas de nature à établir l’existence d’un tel intérêt. Si M. E... a pu, en sa qualité, notamment, de président de la section Saint-Emilion grand cru du Conseil des vins de Saint-Emilion et de membre du comité national, lequel comptait 60 membres en 2011 et 62 membres en 2012, connaître des différentes versions et projets du règlement de classement, il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions de ce règlement, qui a été adopté lors de la séance du 10 février 2011 sans participation au vote des représentants intéressés issus de la région bordelaise, dont font partie MM. E... et M. D..., aient eu, en tout ou partie, pour objet ou pour effet d’avantager l’un ou l’autre des candidats au classement. Par ailleurs, il ressort des pièces versées à l’instance que, lors de la séance du 6 septembre 2012 au cours de laquelle le comité national a approuvé les propositions finales de la commission de classement en vue de leur homologation par arrêté interministériel, les intéressés, à la demande du président du comité national, n’ont participé ni aux débats ni au vote sur ce point. Dans ces conditions, alors que la qualification pénale des agissements de M. E... retenue par le tribunal correctionnel de Bordeaux dans son jugement du 25 octobre 2021 est indépendante de l’appréciation que porte la juridiction de céans sur les conditions dans lesquelles se sont déroulés les travaux organisés par la commission de classement, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de classement du 5 septembre 2012 serait entachée d’une irrégularité au regard du principe d’impartialité.

22. En sixième lieu, en vertu du XII du cahier des charges de l’AOC « Saint-Emilion grand cru » homologué le 5 décembre 2011, il incombe au règlement de classement de l’AOC de fixer les conditions requises pour pouvoir bénéficier de la mention « grand cru classé » ou « premier grand cru classé ». Aux termes de l’article 6 du règlement de classement homologué par l’arrêté du 6 juin 2011 : « Les critères et pondérations retenus par la commission de classement pour fixer la note des candidats sont les suivants : Pour la mention « grand cru classé » : / 1. Niveau de qualité et constance des vins appréciés par dégustation des échantillons (50% de la note finale) ; / 2. Notoriété appréciée au regard de la valorisation nationale ou internationale du vin de l'exploitation, de la mise en valeur du site, de la promotion et des modes de distribution (20 % de la note finale) ; / 3. Caractérisation de l'exploitation appréciée à partir de l'assiette foncière, de l'homogénéité de ou des entités culturales et de l'analyse topographique et géo-pédologique (20 % de la note finale) ; / 4. Conduite de l'exploitation tant sur le plan viticole que sur celui de l'œnologie appréciée en tenant compte de l'encépagement, de la structuration et de la conduite du vignoble, de la traçabilité parcellaire en vinification et des conditions de vinification et d'élevage (10 % de la note finale). Tout candidat dont la note finale est supérieure ou égale à 14 sur 20 est proposé au classement grand cru classé. (…) ».

23. Il ressort des pièces du dossier que, s’agissant du critère « niveau de qualité et constance des vins », l’organisme Qualisud, désigné par le directeur de l’INAO pour assister la commission de classement dans ses travaux, a été chargé de l’organisation du prélèvement des échantillons, de leur conservation et de la dégustation des vins, laquelle a été assurée par un jury de douze dégustateurs-experts pour chaque session de dégustation, choisis au sein d’un groupe composé de vingt-six dégustateurs-experts préalablement sélectionnés et formés. S’agissant des critères « notoriété », « caractérisation de l’exploitation » et « conduite de l’exploitation », le Bureau Veritas Certification, également désigné par le directeur de l’INAO, s’est vu, quant à lui, confier l’élaboration d’une méthodologie d’évaluation des châteaux candidats au classement, permettant d’analyser ces critères, l’examen des pièces fournies par les candidats au classement pour leur appréciation, ainsi que la réalisation des contrôles sur place et la présentation, à la commission de classement, d’une synthèse de ses travaux. Le Bureau Veritas Certification a ainsi élaboré une grille d’évaluation qui décline chacun des trois critères susmentionnés en « titres », « chapitres », « sous-chapitres » et « items », ces derniers se voyant attribuer une note comprise entre 1 et 5 points.

24. D’une part, les requérants soutiennent que les dispositions de l’article 6 du règlement homologué le 6 juin 2011 n’ont pas permis de garantir une égalité de traitement des candidats en ce qui concerne le critère « niveau de qualité et constance des vin », faute de définir les conditions de prélèvement, de prévoir les conditions de garantie de l’anonymat des bouteilles, les critères de sélection des dégustateurs, la méthode de préparation des échantillons pour les dégustations, en fonction de la typicité des vins et des terroirs ainsi que des différents types de contenant, la répétition des dégustations des vins pour éliminer les résultats incohérents, ainsi que les fiches de dégustation. Ils soutiennent également que les opérations de dégustation des vins se sont déroulées dans des conditions ne permettant pas d’assurer une telle égalité.

25. Cependant, il ne résulte pas des termes du XII cahier des charges de l’AOC « Saint-Emilion grand cru » que serait exigé du règlement fixant les conditions requises pour pouvoir bénéficier de la mention « grand cru classé » ou « premier grand cru classé » qu’il entre dans un niveau de détail tel que celui dont se prévalent les requérants s’agissant, notamment, du critère « niveau de qualité et constance des vin ». Par ailleurs, il ressort des pièces versées à l’instance que l’organisme Qualisud a précisément défini un protocole de prélèvement précisant l’ordre de mission du préleveur, les modalités d’information des candidats, les engagements pris par le préleveur pour l’exécution de sa mission, le lieu de prélèvement, la désignation des échantillons, le procès-verbal de prélèvement ainsi que les modalités de transport et de stockage. De même, un protocole d’organisation des analyses sensorielles a été validé, précisant la planification des jurys de dégustateurs, l’ordre de passage des échantillons, le nombre de répétitions par millésime, la préparation de la salle de dégustation, la gestion des échantillons afin de garantir leur anonymat ainsi que le relèvement des fiches de dégustation. Les requérants ne produisent aucun élément de nature à établir que ces mesures, validées par la commission de classement, n’auraient pas permis d’assurer une appréciation du niveau de qualité et de constance des vins dégustés dans des conditions permettant de garantir l’anonymat des échantillons et une stricte égalité entre les candidats, nonobstant l’existence de vins de typicité différente ou de types de contenant distincts. A cet égard, les intéressés ne peuvent utilement soutenir que l’échantillon de calage, dont les candidats n’avaient pas à être informés de la teneur, aurait dû porter sur un vin pouvant prétendre à la qualification « grand cru classé » et un autre pouvant prétendre à la qualification « premier grand cru classé » dès lors que l’ordre de passage des échantillons a été opéré de manière aléatoire. Enfin, la circonstance que l’un des dégustateurs a déclaré entretenir un lien avec l’un des crus candidats, le Château Chauvin, pour avoir participé à des opérations de manutention de lavage à raison de trois semaines par an au sein de cette exploitation, n’est pas de nature à remettre en cause l’indépendance du jury de douze dégustateurs-experts et l’égalité entre les candidats dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que ce dégustateur n’a pas participé aux séances au cours desquelles ont été dégustés les échantillons dudit cru. Dans ces conditions, les moyens doivent être écartés.

26. D’autre part, il est constant que le règlement homologué le 6 juin 2011 ne procède pas à une pondération et à une hiérarchisation des sous-critères mis en œuvre pour la notation des critères « notoriété », « caractérisation de l’exploitation » et « conduite de l’exploitation », désignés sous le terme de « chapitres » dans la grille d’évaluation élaborée par le Bureau Veritas Certification. Toutefois, cette circonstance n’interdisait pas à la commission de classement d’affiner ces sous-critères en « sous-chapitres » et « items », eux-mêmes, pour certains, pondérés et hiérarchisés, selon les modalités d’analyse proposées par cet organisme qui, en application de l’article 6 du même règlement, était chargé de l’assister dans ses travaux. Si certains items n’ont pas fait l’objet d’une notation mais d’une simple description, pour permettre une meilleure compréhension de la situation du cru sur le chapitre concerné par l’évaluation, cette circonstance n’est pas de nature à vicier la méthodologie suivie par la commission de classement. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, les deux items relatifs aux modifications de l’assiette foncière de l’exploitation ayant eu lieu et celles à venir, renseigné à titre purement informatif, n’avait pas à faire obligatoirement l’objet d’une notation dès lors, par ailleurs, que l'homogénéité de la ou des entités culturales ainsi que l'analyse topographique et géo-pédologique, mentionnés par le règlement homologué le 6 juin 2011 au titre du critère « caractérisation de l’exploitation », ont bien été valorisés dans le cadre de la méthodologie d’analyse des candidatures. De même, si le sous-critère « modes de distribution » mentionné par le règlement au titre du critère « notoriété » n’a pas fait l’objet d’une notation chiffrée, il est constant que, pour l’ensemble des candidats, les modes de distribution mis en œuvre par chaque exploitant ont donné lieu à description et ont, dès lors, valablement été pris en compte par la commission de classement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les items de cette grille identifiés par les requérants comme étant étrangers aux critères posées par le règlement, tels que « éléments architecturaux particuliers » « présence d’une salle de séminaire » et « présence d’un chargé de communication / d’un chargé de presse », rattachés au critère « notoriété », ou « recyclage et tri rigoureux des déchets » et « système de retraitement des effluents », rattachés au critère « conduite de l'exploitation », sont en lien direct avec les critères ou sous-critères retenus par le règlement et étaient, dès lors, susceptibles d’y être rattachés. Dans ces conditions, M. A... et le GFA Geoffrion ne sont fondés à soutenir ni qu’en méconnaissance des principes de transparence et d’égalité de traitement entre les candidats, la grille d’évaluation élaborée par le Bureau Veritas Certification se serait irrégulièrement substituée aux critères et sous-critères définis par l’article 6 du règlement homologué le 6 juin 2011, ni que cette grille aurait dû faire l’objet d’une homologation par les ministres intéressés, conformément aux dispositions de l’article 13 du décret du 19 août 1921 portant application de l'article L. 412-1 du code de la consommation en ce qui concerne les vins, les vins mousseux et les eaux-de-vie.

27. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, qui ne peuvent utilement, à cet égard, se prévaloir des règles issues du droit de la commande publique, il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe que, préalablement à l’édiction de la décision litigieuse, l’administration aurait été tenue de publier ou de porter à la connaissance des candidats au classement, qui avaient connaissance des critères et sous-critères prévus par le règlement homologué le 6 juin 20011, la grille d’évaluation élaborée par le Bureau Veritas Certification sur laquelle la commission de classement s’est appuyée pour lui permettre d’apprécier les mérites respectifs de chaque candidature. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette grille aurait été communiquée à l’un ou l’autre des candidats préalablement à l’adoption du classement litigieux et qu’il en aurait tiré avantage. En outre, il ne ressort ni des termes de l’article XII du cahier des charges de l’AOC « Saint-Emilion grand cru » homologué le 5 décembre 2011 relatif aux règles de présentation et d’étiquetage ni de ceux du règlement de classement homologué le 6 juin 2011 que les candidatures des exploitants ne respectant pas les règles d’étiquetage de l’AOC « Saint-Emilion grand cru », qui ne constituent pas une des conditions de production de cette appellation, auraient dû être écartées dans la mesure où, par ailleurs, leur exploitation répondait aux conditions de production fixées pour cette AOC. La circonstance que la commission de classement a pu, à l’occasion des opérations de classement en cours, inviter les domaines concernés à mettre l’étiquetage de leurs bouteilles en conformité avec le cahier des charges de l’AOC n’a pu avoir pour conséquence une rupture de l’égalité de traitement entre les candidats dès lors que ce critère n’a pas fait l’objet d’une notation mais d’une simple description. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des principes de transparence et d’égalité de traitement doit être écarté, en toutes ses branches.

28. En septième lieu, aux termes de l’article 6 du règlement de classement homologué par l’arrêté du 6 juin 2011 : « Le choix des millésimes prélevés, identiques pour tous les candidats, est laissé à l'appréciation de la commission, sur une période maximale des dix dernières années pour les candidats en grand cru classé et des quinze dernières années pour les premiers grands crus classés. Tous les millésimes prélevés sont disponibles en bouteilles chez les candidats. (…) ».

29. Il ressort des pièces du dossier que les prélèvements d’échantillons de vin ont eu lieu entre le 22 novembre et le 9 décembre 2011 et ont porté sur les millésimes 2000 à 2009. Si les requérants soutiennent qu’en application des dispositions précitées de l’article 6 du règlement de classement, le choix de la commission de classement aurait dû se porter sur les millésimes 2001 à 2010, il résulte des termes du IX du cahier des charges de l’AOC « Saint-Emilion grand cru » homologué le 5 décembre 2011 que les vins répondant à cette appellation font l’objet d’un élevage au moins jusqu’au 1er février de la deuxième année qui suit celle de la récolte et sont conditionnés en bouteille au plus tôt à compter de cette date. Le millésime le plus récent disponible auprès des candidats, ayant achevé sa période réglementaire minimale d’élevage, était donc, aux dates auxquelles les prélèvements ont été effectués, le millésime 2009. La circonstance que, s’agissant de l'assiette foncière du cru revendiqué ou de l’encépagement de l’exploitation, l’INAO a exigé des renseignements portant sur une période comprise entre 2001 et 2010 est sans incidence quant au choix des millésimes à déguster, opéré en fonction de leur disponibilité. Dès lors, c’est sans méconnaître les dispositions précitées de l’article 6 du règlement homologué le 6 juin 2011 qu’ont été choisis les millésimes 2000 à 2009.

30. En huitième lieu, aux termes de l’article 2 du règlement de classement homologué par l’arrêté du 6 juin 2011 : « (…) La commission (…) peut déléguer certains de ses membres, au nombre de deux au minimum, pour la réalisation de contrôles sur place. (…) ».

31. M. A... et le GFA Geoffrion soutiennent qu’en méconnaissance de ces dispositions, Mme C... est intervenue seule sur leur exploitation pour des opérations de contrôle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la visite de contrôle de Mme C..., qui n’est pas membre de la commission de classement, a été effectuée non pas au titre des contrôles sur place effectués par la commission de classement, en application des dispositions précitées de l’article 2, mais pour le compte du Bureau Veritas Certification qui, en application de l’article 6 du même règlement, assistait la commission, notamment, pour effectuer des contrôles sur pièces et sur place. Par ailleurs, les requérants ne peuvent utilement critiquer l’absence de rédaction d’un procès-verbal établi de manière contradictoire par Mme C... à l’issue du contrôle sur place, celui-ci n’étant pas prescrit par les dispositions précitées, alors, au demeurant, que le Bureau Veritas Certification a établi, pour chaque exploitant, à l’issue des opérations de contrôle, un rapport individuel détaillé. Enfin, M. A... et le GFA Geoffrion, qui ont effectivement été mis à même de discuter utilement l'appréciation portée sur leur candidature à l’occasion du second examen de leur dossier par la commission de classement, n’établissent pas que les appréciations relatives aux démarches de gestion durable ou à la norme ISO 26000, portées sur la grille d’évaluation élaborée par le Bureau Veritas Certification, révèleraient des irrégularités lors des opérations de contrôle menées par Mme C..., pas davantage que l’existence d’éventuelles notes prises par cette dernière au cours de ses visites. Le moyen doit, dès lors, être écarté.

32. En neuvième lieu, aux termes de l’article 7 du règlement de classement homologué par l’arrêté du 6 juin 2011 : « Les propositions de la commission de classement visée à l'article 2 sont adressées aux candidats par les services de l'INAO. Les candidats disposent d'un délai de quinze jours à compter de la notification pour solliciter un nouvel examen de leur dossier, sans toutefois que les vins ne soient dégustés une nouvelle fois. Ils peuvent, à leur demande, être entendus par la commission. La commission de classement statue dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la réception de la demande de réexamen. (…). ».

33. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 7 juin 2012, le directeur de l’INAO a informé M. A..., gérant du GFA Geoffrion, que la commission de classement proposait de ne pas retenir le Château Croque Michotte parmi la liste des « grands crus classés ». L’intéressé a sollicité le 20 juin suivant un réexamen de son dossier par la commission de classement, qui l’a entendu le 3 juillet. Si les requérants soutiennent que, en se prononçant le 5 septembre 2012, la commission de classement n’a pas respecté le délai de 45 jours qui lui était imparti à compter de la réception de la demande de réexamen du dossier, cette circonstance est, ainsi que l’ont jugé à bon droit les premiers juges, sans influence sur la régularité de la procédure de classement dès lors que le délai en cause n’est pas prescrit à peine de nullité.

34. En dernier lieu, aux termes de l’article 6 du règlement de classement homologué par l’arrêté du 6 juin 2011 : « (…) Tout candidat dont la note finale est supérieure ou égale à 14 sur 20 est proposé au classement grand cru classé. (…) ».

35. Les requérants soutiennent qu’au regard des critères fixés par le règlement de classement homologué le 6 juin 2011, la note finale de 12,71/20 obtenue par leur exploitation viticole est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

36. D’une part, en ce qui concerne le critère « niveau de qualité et constance des vins », noté à 13,01/20 pour l’ensemble des millésimes compris entre 2000 et 2009, les requérants indiquent que certains millésimes dont, notamment, les millésimes 2005, 2006, et 2009, qui ont respectivement obtenu les notes de 13,125/20, 12,875/20 et 12,21/20, ont été largement sous-évalués par le jury des dégustateurs-experts au regard des excellentes appréciations qui leur sont généralement attribuées par les guides et critiques reconnus pour leur compétence, en France et à l’étranger. M. A... et le GFA Geoffrion se prévalent également de l’insuffisance des qualifications professionnelles ainsi que de la partialité des dégustateurs désignés par Qualisud et pointent des disparités entre les notes attribuées pour un même millésime par les différents dégustateurs.

37. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la sélection des dégustateurs a été entreprise par l’organisme Qualisud sur la base d’un protocole fixant les modalités des opérations de présélection, de formation et d’étalonnage. Les membres du jury de dégustateurs ont été présélectionnés parmi des personnes, qualifiées et intéressées, contactées par le biais de réseaux spécialisés tels que l’Association des œnologues de la faculté de Bordeaux ou le Syndicat régional des courtiers en vins et spiritueux de Bordeaux. Ont été exclus de cette présélection les personnes faisant l’objet d’un avis défavorable de l’INAO dès lors, notamment, que leur indépendance pouvait être remise en cause. Les 38 personnes ainsi présélectionnées ont été convoquées pour passer des tests de sélection, organisés sur le modèle du concours, à l’issue desquels les 26 candidats retenus ont reçu une formation comportant notamment des exercices spécifiques de dégustation et une formation complémentaire à la dégustation des anciens millésimes. Enfin, chacun des dégustateurs a pris l’engagement contractuel de respecter les règles d’organisation des analyses sensorielles des vins candidats au classement et de respecter les règles et principes de la charte du dégustateur établie par l’organisme Qualisud. Dans ces conditions, les qualités professionnelles et l’indépendance des dégustateurs, dont l’identité n’avait pas à être rendue publique, ne sauraient être sérieusement remises en cause. En se bornant à se prévaloir du prestige et de la renommée de leur vin, quelles qu’en soient par ailleurs les qualités intrinsèques, les requérants n’établissent pas que la note globale obtenue pour le critère « niveau de qualité et constance des vins » sur l’ensemble des millésimes dégustés à partir de sept descripteurs pondérés entre eux (teinte, netteté, intensité aromatique, complexité aromatique, harmonie/équilibre, texture/tanins, bouquet final et longueur en bouche) serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

38. D’autre part, s’agissant du critère « notoriété », qui a obtenu la note de 12,71/20 après réexamen de la commission de classement, M. A... et le GFA Geoffrion soutiennent que certains résultats de concours publiés dans la presse généraliste ainsi que des parutions de guides à l’international n’ont pas été pris en compte par la commission qui s’est, en outre, limitée à prendre en considération les parutions relatives aux millésimes, en excluant les publications liées au vignoble. Toutefois, il résulte des termes de la décision contestée du 5 septembre 2012 que, malgré les éléments fournis par les requérants, la notoriété du cru demeure insuffisante au regard de la valorisation nationale et internationale des vins compte tenu, notamment, d’un dossier de presse jugé insuffisant pour la période comprise entre les années 2005 et 2009, tant en ce qui concerne la presse généraliste et spécialisée que pour les guides étrangers. Si les requérants critiquent le choix fait par la commission de classement de tenir compte uniquement de la valorisation nationale et internationale, dans les guides et la presse, des vins produits au cours de cette période, ils n’établissent pas qu’une prise en compte des années antérieures aurait substantiellement modifié l’appréciation de ce critère au regard de l’exposition de leur exploitation. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, l’item « membre d’une association valorisante liée à l’activité vitivinicole », pour lequel ils ont obtenu la note minimale, est suffisamment explicité au sein de la méthodologie d’évaluation des châteaux candidats au classement élaborée par le Bureau Veritas Certification, versée au dossier par l’INAO, en ce qu’il correspond à l’adhésion à tout groupement de personnes réunies autour d’un but ou d’un intérêt commun valorisant le cru, tel l’association des grands crus classés de Saint-Emilion ou l’Union des grands crus de Bordeaux, auquel il n’est ni établi ni même allégué que les requérants auraient adhéré. De même, M. A... et le GFA Geoffrion ne peuvent utilement soutenir que la présence d’une salle de séminaire au sein de l’exploitation ne constituerait pas un élément pris en compte pour l’appréciation de la notoriété dès lors qu’il résulte de ladite méthodologie que la présence d’une telle salle est mentionnée au sous-chapitre 1.3.2.5 du chapitre « qualité d’accueil ». Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, le Bureau Veritas Certification était en droit de solliciter des candidats, postérieurement à la date limite de dépôt des candidatures, des éléments complémentaires pour l’examen dudit critère, s’il s’estimait insuffisamment renseigné. Dès lors, les requérants n’établissent pas que la note obtenue au titre du critère « notoriété », qui a été revalorisée après réexamen, serait entachée d’une erreur manifeste.

39. Par ailleurs, en ce qui concerne le critère « caractérisation de l’exploitation », noté à 12/20, les requérants font valoir que la prise en compte du nombre d’entités constitutives du parcellaire de l’exploitation pour l’évaluation de l’item « homogénéité culturale », au titre duquel ils ont obtenu la note de 42/90, ne constitue pas un critère pertinent. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la prise en compte du nombre de parcelles composant l’exploitation pour l’appréciation du sous-critère lié à « l'homogénéité des entités culturales », mentionné par le règlement homologué le 6 juin 2011 au titre de l’évaluation du critère « caractérisation de l’exploitation », serait manifestement sans lien avec ce critère. Par ailleurs, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l’âge des vignes, de leur enracinement et de la densité de plantation qui n’ont pas été pris en compte pour apprécier le critère en cause. Dans ces conditions, les requérants n’établissent pas que la note obtenue au titre de ce critère serait entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

40. Enfin, s’agissant du critère « conduite de l’exploitation », qui a obtenu la note de 12,58/20, les requérants n’apportent aucun élément de nature à établir, en ce qui concerne l’item « système de retraitement des effluents », qu’ainsi qu’ils le soutiennent, à la date de la décision attaquée, le Château Croque Michotte avait adhéré à une coopérative d’utilisation de matériel agricole et fait l’acquisition d’un système agréé de récupération et de dégradation des effluents phytosanitaires. Par ailleurs, concernant l’item « analyse sur le matériel végétal et les sols », il n’est pas contesté que la pratique des analyses des sols est peu développée sur la propriété et l’affirmation selon laquelle ces analyses peuvent n’être qu’occasionnelles et déclenchées, si nécessaire, par l’observation des vignes ne remet pas en cause la note obtenue au titre de cet item. Enfin, comme l’ont relevé à bon droit les premiers juges il est constant que, s’agissant de l’item « réception de la vendange », les requérants utilisent une pompe et non un tapis ou un système de gravité préconisés par la commission et, s’agissant de l’item « analyse systématique des bouchons et des barriques », les analyses sont réalisées par les fournisseurs eux-mêmes sans que l’exploitation ne soit engagée dans une démarche de contrôle indépendant. Ainsi, M. A... et le GFA Geoffrion, qui ne remettent pas utilement en cause la pertinence de l’ensemble de ces items en se bornant à se prévaloir de la méconnaissance des pratiques viti-vinicoles par la commission de classement, n’établissent pas que la note obtenue au titre de la conduite de l’exploitation serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

41. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’ordonner les mesures d’instruction sollicitées par M. A... et le GFA Geoffrion ni de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale initiée à l’encontre de MM. E... et M. D..., que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Sur les frais liés à l’instance :

42. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... et le GFA Geoffrion demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A... et du GFA Geoffrion, chacun, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’INAO et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L’intervention du Conseil des vins de Saint-Emilion est admise.

Article 2 : La requête de M. A... et du groupement foncier agricole Geoffrion est rejetée.

Article 3 : M. A... versera une somme de 1 500 euros à l’Institut national de l’origine et de la qualité au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le groupement foncier agricole Geoffrion versera une somme de 1 500 euros à l’Institut national de l’origine et de la qualité au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La discussion continue ailleurs

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