14BX01217

Lecture du 3 mars 2016

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J==P== H== a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler la décision du 18 juillet 2011 par laquelle le préfet de la Dordogne a rejeté son offre relative à l’acquisition du château de Bridoire, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux formé le 2 août 2011.

Par un jugement n° 1104763 du 26 février 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 avril 2014 et 14 avril 2015, M. H==, représenté par Me Savoye, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 février 2014 ;

2°) d’annuler la décision du 18 juillet 2011 par laquelle le préfet de la Dordogne a rejeté son offre relative à l’acquisition du château de Bridoire, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux formé le 2 août 2011 ;

3°) d’enjoindre au préfet de la Dordogne de saisir le juge judiciaire afin qu’il prononce la nullité de la vente conclue le 13 septembre 2011 et d’organiser, dans un délai de deux mois à compter de l’intervention de la décision du juge judiciaire, un nouvel appel d’offres pour l’acquisition du château de Bridoire ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la cession amiable du château de Bridoire appartenant au domaine privé de l’Etat, à la suite d’une procédure d’expropriation destinée à sauvegarder ce monument historique des XVème et XVIème siècles abandonné par son propriétaire, une procédure d’appel à candidatures avec publicité et mise en concurrence a été conduite par le service des domaines de la direction départementale des finances publiques de la Dordogne. A l’issue de cette procédure, le préfet de la Dordogne a informé M. H== du rejet de son offre par courrier du 18 juillet 2011. M. H== a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler cette décision, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux qu’il avait formé le 2 août 2011. M. H== relève appel du jugement du 26 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la légalité des décisions attaquées :

2. Aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (…) / - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (…) / - refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ; (…) / - refusent une autorisation (…) ».

3. La décision de rejet d’une offre dans le cadre d’une procédure de cession amiable d’un immeuble domanial n’entre dans aucune catégorie de décisions administratives devant faire l’objet d’une motivation en application des dispositions de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979. Contrairement à ce que soutient le requérant, l’avis d’appel à candidatures, qui indique que « L’Etat choisit librement l’offre. Son choix s’oriente prioritairement vers la proposition financièrement la plus avantageuse mise en regard de la qualité du projet présenté par l’acquéreur pour la sauvegarde et la mise en valeur de ce monument historique » n’imposait pas que la décision soit expressément motivée. Au demeurant, la décision du 18 juillet 2011 indique qu’après audition des deux candidats respectant le cahier des charges, et invitation à tous deux à améliorer leur offre financière, M. H== n’a pas souhaité modifier son offre et que le prix proposé est substantiellement inférieur à celui proposé par son concurrent. Par suite, le moyen tiré d’un défaut de motivation ne peut en tout état de cause qu’être écarté.

4. La décision de rejet d’une offre dans le cadre d’une procédure de cession amiable d’un immeuble domanial ne présentant pas un caractère juridictionnel, M. H== ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations du premier paragraphe de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

5. M. H== fait valoir que la décision du 18 juillet 2011 a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière, dès lors que d’une part, l’égalité de traitement entre les candidats aurait été rompue par un défaut d’impartialité imputable à un ou plusieurs membres de la commission chargée d’examiner les offres et d’auditionner les candidats et que, d’autre part son concurrent aurait bénéficié d’une information privilégiée d’un membre de la commission lui permettant de proposer une meilleure offre financière. Toutefois, en premier lieu, et ainsi que l’ont à juste titre relevé les premiers juges, les seules circonstances que le directeur régional des affaires culturelles d’Aquitaine, qui n’était ni membre ni participant à cette commission, aurait fait visiter le château de Bridoire au second candidat et que des articles et commentaires imprécis, laissés sur le site internet de « l’association historique de Ribagnac pour la sauvegarde du château de Bridoire », aient fait état de rumeurs au sujet du projet de M. H==, ne suffisent pas à faire peser un doute sur l’impartialité de la commission. En second lieu, M. H== n’apporte aucun élément à l’appui de ses allégations selon lesquelles un des membres de la commission aurait informé son concurrent du montant des offres soumises à la commission, et la seule circonstance que le concurrent de l’appelant ait modifié le montant de son offre avant d’être auditionné par la commission ne suffit pas à établir qu’il aurait bénéficié d’informations de la part d’un des membres de la commission. Enfin, et ainsi que cela ressort du procès-verbal de la commission, les deux candidats finalement retenus ont obtenu un délai pour formuler de nouvelles offres financières et en réponse à une observation sur le caractère insuffisant de son offre, M. H== a informé les membres de la commission qu’il souhaitait bénéficier d’un délai supplémentaire en invoquant des contacts avec une personne intéressée. En définitive, M. H== a informé le préfet de la Dordogne dans un courrier du 10 juillet 2011, qui accusait réception du courrier du 8 juillet 2011 indiquant qu’il bénéficiait d’un délai supplémentaire, qu’il ne souhaitait pas modifier sa proposition financière. Il suit de là que le moyen tiré d’un vice de procédure doit être écarté.

6. Aux termes de l’article. L. 21-1 du code de l’expropriation : « Peuvent être cédés de gré à gré ou concédés temporairement à des personnes de droit privé ou de droit public et sous condition que ces personnes les utilisent aux fins prescrites par le cahier des charges annexé à l'acte de cession ou de concession temporaire (…)2° bis Les immeubles en état manifeste d'abandon expropriés en application de l'article L. 2243-4 du code général des collectivités territoriales (…)». Aux termes de l’article R. 129-3 du code du domaine de l’Etat alors applicable : « Les critères de sélection des offres prennent notamment en compte les conditions financières proposées ainsi que les garanties de bonne fin et de solvabilité présentées. ». Selon le IV du cahier des charges de la cession relatif aux « Procédures de l’appel à candidatures » du cahier des charges : « 5 –choix du candidat : L’Etat choisit librement l’offre. Son choix s’oriente prioritairement vers la proposition financièrement la plus avantageuse mise en regard de la qualité du projet présenté par l’acquéreur pour la sauvegarde et la mise en valeur de ce monument historique. Il apprécie également la capacité des candidats à respecter leurs engagements. (…) / Enfin, et en fonction des offres présentées, l’Etat se réserve le droit de procéder à un éventuel second tour, dont les modalités seront alors présentées aux candidats choisis. L ’Etat n’aura pas à justifier sa décision. (…) ».

7. M. H== fait valoir que la décision du 18 juillet 2011 est illégale dès lors qu’elle ne fait pas référence à la qualité du projet. Toutefois, et d’une part, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de la réunion de la commission d’examen des offres du 10 juin 2011 produit par le requérant, que pour déterminer l’offre devant être retenue, la commission a constaté que tant l’offre de M. H== que celle de M. et Mme G== présentaient des engagements relatifs à la restauration du château et des projets de développement culturel et de mise en valeur du monument. Il est indiqué également dans ce procès-verbal que les deux projets sont de qualité, qu’ils satisfont l’un et l’autre au cahier des charges et que la décision sera prise en faveur du plus offrant. De même, la décision attaquée précise que les offres des deux candidats respectaient le cahier des charges de la vente. D’autre part, ainsi que l’ont à juste titre relevé les premiers juges, l’article 2 du 4 de l’annexe I au cahier des charges relatif à la conformité du projet et des conditions d’exécution des travaux aux dispositions du code du patrimoine et à la réglementation relative aux monuments historiques ne s’impose qu’à l’acquéreur du château et la circonstance que le projet finalement retenu n’ait pas été appuyé au stade de l’offre par un architecte des bâtiments de France ne suffit pas à démontrer que l’autorité administrative n’aurait pas pris en compte la qualité des projets soumis. Ainsi, et contrairement à ce que soutient M. H==, le préfet de la Dordogne, qui disposait de la comparaison précise des points forts et des points faibles de chacun des projets, ne s’est pas prononcé en prenant en compte la seule offre financière des candidats.

8. M. H== soutient enfin que le choix opéré par le préfet est entaché d’erreur manifeste d’appréciation. Il ressort des pièces du dossier que le projet de M. H== comprenait un programme de restauration de l’immeuble établi par un architecte en chef des monuments historiques et du patrimoine et de mise en valeur du château par son insertion dans un projet touristique beaucoup plus vaste s’étendant sur des dizaines d’hectares, orienté autour de la gastronomie. Le projet du candidat retenu s’appuyait sur son expérience en matière de restauration de monuments historiques, dont deux châteaux ouverts à la visite et le site médiéval de Gueudelon, et il prévoyait une restauration du château de Bridoire en concertation avec la direction régionale des affaires culturelles d’Aquitaine, avec la collaboration d’un architecte des bâtiments de France, une ouverture partielle au public dès 2012 et une offre culturelle en lien avec l’histoire et la gastronomie locales. Ainsi que cela a été dit au point 7, les deux projets remplissaient les conditions du cahier des charges. Par ailleurs, M. H== a maintenu une offre substantiellement inférieure à celle proposée par M.et Mme G==, ses concurrents. Dans ces conditions, l’autorité administrative n’a pas entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation en retenant l’offre présentée par M. et Mme G==.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. H== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l’annulation des décisions attaquées, n’implique aucune mesure particulière d’exécution. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce qu’il soit enjoint à l’Etat de saisir la juridiction judiciaire aux fins d’annulation de la vente consentie à et M. et Mme G== ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. H== demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. H== est rejetée.

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