20BX02357

Décision du 21 février 2023

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



L’association Nature Environnement 17 a demandé au tribunal administratif de Poitiers d’annuler l’arrêté du 21 janvier 2019 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a délivré au syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17) une autorisation environnementale pour la construction et l’exploitation sur les communes d’Anais, Benon, Le-Gué-d’Alléré, Saint-Médard-d’Aunis, Saint-Sauveur-d’Aunis et Saint-Xandre de six réserves de substitution à usage agricole.



Par un jugement n° 1901217 du 4 juin 2020, le tribunal de Poitiers a annulé l’arrêté préfectoral du 21 janvier 2019.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 3 septembre 2020, le syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17), représenté par Me Marc, demande à la cour :



1°) d’annuler ce jugement n° 1901217 du tribunal administratif de Poitiers ;



2°) de rejeter la demande de première instance de l’association Nature Environnement 17 ;



3°) de mettre à la charge de l’association Nature Environnement 17 la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :



1. Le syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17) a déposé le 21 décembre 2016 une demande d’autorisation unique pour la construction et l’exploitation, sur le territoire des communes d’Anais, Benon, Le-Gué-d’Alléré, Saint-Médard-d’Aunis, Saint-Sauveur-d’Aunis et Saint-Xandre, de six réserves de substitution à usage agricole, représentant un stockage de 1,6 millions de mètres cubes d’eau. Par arrêté du 19 avril 2018, le préfet de la Charente-Maritime a prescrit l’ouverture d’une enquête publique unique, préalable à la déclaration d’intérêt général du projet au titre de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, à l’autorisation unique au titre de l’article L. 214-1 du même code et aux permis d’aménager au titre de l’article L. 421-2 du code de l’urbanisme. A l’issue de l’enquête publique, qui s’est déroulée du 4 juin au 5 juillet 2018, la commission d’enquête a émis un avis favorable le 22 août 2018 et par arrêté du 23 octobre 2018, le préfet de la Charente-Maritime a déclaré les travaux d’intérêt général. Par arrêté du 21 janvier 2019, le préfet de la Charente-Maritime a délivré au SYRES 17 l’autorisation environnementale sollicitée. Par un jugement du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers, saisi par l’association Nature Environnement 17, a annulé cet arrêté pour absence de conformité du volume des réserves de substitution en projet avec le schéma aménagement et de gestion des eaux (SAGE) de la Sèvre niortaise et du Marais poitevin adopté le 17 février 2011. Le SYRES 17 fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l’article R. 741-7 du code de justice administrative : « Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ».

3. Il ressort de la minute du jugement attaqué qu’elle a été signée par le rapporteur, le président et la greffière, conformément aux prescriptions de l’article R. 741-7 du code de justice administrative cité au point précédent. La circonstance que l’ampliation du jugement qui a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Le tribunal de Poitiers a fondé l’annulation de l’arrêté du 21 janvier 2019 en litige sur le moyen tiré de ce que le projet n’était pas conforme à l’article 10 du règlement du SAGE de la Sèvre niortaise et du marais poitevin dès lors que le volume des réserves de substitution projetées était supérieur à 80% du volume annuel maximal mesuré précédemment prélevé directement dans le milieu naturel.

5. En premier lieu, aux termes de l’article L. 211-1 du code de l'environnement : « I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion (…) vise à assurer : 1° (…) la préservation des écosystèmes aquatiques (…) ; 2° La protection des eaux (…) 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau (…) 6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau (…) II. - La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux (…) ; 3° De l'agriculture, (…) ». Aux termes de l’article L. 212-1 du code de l'environnement relatif aux SDAGE : « (…) III. - Chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d'un ou de plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (…) / IV. − Les objectifs de qualité et de quantité des eaux que fixent les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux correspondent : 1° Pour les eaux de surface (…) à un bon état écologique et chimique ; (…) 3° Pour les masses d'eau souterraines, à un bon état chimique et à un équilibre entre les prélèvements et la capacité de renouvellement de chacune d'entre elles ; (…) / IX. − Le schéma directeur détermine les aménagements et les dispositions nécessaires, comprenant la mise en place de la trame bleue figurant dans les schémas régionaux de cohérence écologique (…) les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (…) pour prévenir la détérioration et assurer la protection et l'amélioration de l'état des eaux et milieux aquatiques, pour atteindre et respecter les objectifs de qualité et de quantité des eaux (…) / X. − Le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux détermine les eaux maritimes intérieures et territoriales et les sous-bassins ou groupements de sous-bassins pour lesquels un schéma d'aménagement et de gestion des eaux défini à l'article L. 212-3 est nécessaire pour respecter les orientations fondamentales et les objectifs fixés en application du présent article (…) / XI. − Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. (…) ».

6. Aux termes de l’article L. 212-3 du code de l'environnement, relatif aux SAGE : « Le schéma d'aménagement et de gestion des eaux institué pour un sous-bassin, pour un groupement de sous-bassins correspondant à une unité hydrographique cohérente ou pour un système aquifère fixe les objectifs généraux et les dispositions permettant de satisfaire aux principes énoncés aux articles L. 211-1 et L. 430-1. Le schéma d'aménagement et de gestion des eaux doit être compatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux prévu à l'article L. 212-1 ou rendu compatible avec lui (…) ». Aux termes de l’article L. 212-5-2 du même code : « Lorsque le schéma a été approuvé et publié, le règlement et ses documents cartographiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de toute installation, ouvrage, travaux ou activité mentionnés à l'article L. 214-2. / Les décisions applicables dans le périmètre défini par le schéma prises dans le domaine de l'eau par les autorités administratives doivent être compatibles ou rendues compatibles avec le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau dans les conditions et les délais qu'il précise. »

7. Il résulte des dispositions précitées de l’article L. 212-1 du code de l’environnement que le SDAGE, d’une part, fixe, pour chaque bassin ou groupement de bassins, les objectifs de qualité et de quantité des eaux ainsi que les orientations permettant d’assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, et d’autre part, détermine à cette fin les aménagements et les dispositions nécessaires. En outre, lorsque cela apparaît nécessaire pour respecter ses orientations et ses objectifs, le SDAGE peut être complété, pour un périmètre géographique donné, par un SAGE qui doit lui être compatible et qui comporte, en vertu de l’article L. 212-5-1, d’une part, un plan d’aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques, et d’autre part, un règlement pouvant édicter les obligations définies au II de cet article.



8. En vertu du XI de l’article L. 212-1 et de l’article L. 212-5-2 du code de l’environnement, les décisions administratives prises dans le domaine de l’eau, dont celles prises au titre de la police de l’eau en application des articles L. 214-1 et suivants du même code, sont soumises à une simple obligation de compatibilité avec le SDAGE et avec le plan d’aménagement et de gestion durable du SAGE. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l’autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation de l’autorisation au regard chaque orientation ou objectif particulier. En revanche, les décisions administratives prises au titre de la police de l’eau en application des articles L. 214-1 et suivants sont soumises à une obligation de conformité au règlement du SAGE et à ses documents cartographiques, dès lors que les installations, ouvrages, travaux et activités en cause sont situés sur un territoire couvert par un tel document.

9. Le règlement du SAGE de la Sèvre niortaise et du Marais poitevin, adopté le 17 février 2011, couvrant le lieu d’implantation des réserves en cause, dispose à son article 10 que : « Tout déversement des eaux des réserves de substitution vers le milieu aquatique est interdit (à l’exception des vidanges pour motif de sécurité publique). De même, tout prélèvement dans une réserve de substitution interdit tout prélèvement à des fins d’irrigation dans le milieu naturel à partir des ouvrages substitués. Enfin, tout prélèvement dans une réserve de substitution implique la mobilisation systématique d’optimisation de l’irrigation et d’économie d’eau pour des volumes de substitution égaux ou inférieurs à 80% du volume annuel maximal mesuré précédemment prélevé directement dans le milieu naturel. ». Il résulte de ces dispositions, qui sont opposables dans un rapport de conformité à l’autorisation litigieuse, que le volume des réserves de substitution nouvellement créées doit être égal ou inférieur à 80 % du volume annuel maximal mesuré précédemment prélevé directement dans le milieu naturel.

10. Les six réserves autorisées sont des ouvrages destinés à substituer, de manière totale, des volumes prélevés dans le milieu naturel en dehors des périodes d’étiage à des volumes prélevés à l’étiage. Elles sont alimentées en eau à partir de forages existants en eau souterraine uniquement en période de hautes eaux entraînant un débordement de la nappe, entre le 1er novembre et le 31 mars, aux fins d’intervenir en substitution des prélèvements printaniers et estivaux, l’objectif étant de stocker l’eau en période de hautes eaux et d’en faire un usage différé en période d’étiage à des fins d’irrigation de 13 exploitations agricoles. Elles sont toutes situées dans le bassin Loire-Bretagne et s’inscrivent dans le bassin versant du Curé. Il résulte de l’arrêté attaqué que la somme totale des volumes utiles de stockage de l’eau autorisés s’élève à 1 661 520 de mètres cubes d’eau, soit 202 880 m3 pour la réserve R2 située sur la commune de Saint-Xandre, 196 640 m3 pour la réserve R4 située sur la commune de Saint-Sauveur-d’Aunis, 147 440 m3 pour la réserve R6 située sur la commune de Saint-Médard-d’Aunis, 470 160 m3 pour la réserve R8 située sur la commune d’Anais, 345 920 m3 pour la réserve R11 située sur la commune de Benon et enfin 298 480 pour la réserve R15 située sur la commune de Le-Gué-d’Alléré.

11. Pour déterminer ce volume, il résulte de l’étude d’impact jointe au dossier de demande d’autorisation que le SYRES 17 a retenu les valeurs, qu’il a additionnées, correspondant au maximum des volumes prélevés dans la nappe pour l’irrigation des terres concernées par les futures réserves, entre 2001 et 2015 pour chacun des 19 points de prélèvements des six réserves, et non la valeur correspondant à l’année au cours de laquelle a été constatée la consommation maximale tous points confondus. Cette méthode de calcul, qui consiste à additionner les volumes maximums prélevés pour chacun des forages, aboutit à un chiffre supérieur au volume correspondant à l’année où les prélèvements ont été globalement les plus importants conduisant ainsi à surévaluer l’importance des prélèvements réalisés antérieurement. Il résulte en réalité des données issues de l’étude d’impact que sur la période considérée, les années où les prélèvements ont été globalement les plus importants, qui permettent de fixer le volume annuel maximal à prendre en compte pour le dimensionnement des réserves en litige, sont l’année 2002 pour la réserve R2 (240 600 m3) et l’année 2003 pour les réserves R4 (231 300 m3), R6 (168 400 m3), R8 (541 400 m3), R11 (411 500 m3), R15 (370 000 m3). Ainsi, les volumes de substitution autorisés par l’arrêté attaqué, tels que rappelés au point précédent, excèdent le seuil de 80% du volume annuel maximal mesuré précédemment prélevé directement dans le milieu naturel. Dans ces conditions, et sans que, contrairement à ce que soutient le SYRES 17, la circonstance que le PAGD du SAGE reprenne cet objectif n’ait aucune influence sur le contrôle de conformité à opérer entre le règlement du SAGE et l’autorisation en litige ou encore que le total des prélèvements autorisés, 6,6 millions de m3, soit en nette diminution sur les années antérieures à l’échelle du bassin du Curé, la diminution imposée par le SAGE ne s’entendant qu’au regard des seuls forages concernés par les réserves autorisées, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l’arrêté du 21 janvier 2019 n’était pas conforme à l’article 10 du règlement du SAGE.

12. En deuxième lieu, le SYRES 17 excipe de l’illégalité de l’article 10 du règlement du SAGE en soutenant qu’il entraine une modification des autorisations de prélèvement des agriculteurs du secteur en limitant à 80% le volume des réserves de substitution nouvellement crées sans qu’aucune compensation financière ne soit prévue. Il soutient que les modifications ou retraits des autorisations délivrées par l’Etat au titre de la police des eaux, en application de l’article L. 214-4 du code de l’environnement, ne peuvent intervenir sans indemnités que dans les cas que cet article énumère limitativement. Toutefois, l’article 10 du règlement du SAGE, qui fixe les conditions dans lesquelles les futures autorisations relatives aux réserves de substitution pourront être délivrées, n’abroge ni ne modifie aucune autorisation délivrée au titre de la police des eaux. Par suite, ce moyen doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le SYRES 17 n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a annulé l’autorisation préfectorale du 21 janvier 2019. Sa requête doit, dès lors, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire application de ses dispositions et de mettre à la charge du SYRES 17 le versement à l’association Nature Environnement 17 d’une somme de 1 500 euros au titre des frais d’instance qu’elle a exposés.



DECIDE :



Article 1er : La requête du syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17) est rejetée.

Article 2 : Le syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17) versera à l’association Nature Environnement 17 une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La discussion continue ailleurs

1. Le mardi,28 février 2023, 11:08 par La Relève et La Peste

La Relève et La Peste

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