23BX02609
Par rédacteur le mercredi,27 novembre 2024, 08:30 - 5ème chambre - Lien permanent
Décision du 26 novembre 2024
Vu la procédure suivante :
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Procédures initiales devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2021 sous le n° 21BX00294, un mémoire ampliatif « confidentiel » enregistré le 19 février 2021, un mémoire ampliatif enregistré le 2 avril 2021 et un mémoire enregistré le 25 juin 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la cour : 1°) d’annuler le jugement n° 1900403 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane ; 2°) de rejeter la demande de la SAS Compagnie minière Montagne d’Or tendant à l’annulation de la décision implicite du 21 janvier 2019.
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II. Par une requête, enregistrée le 19 février 2021 sous le n° 21BX00716, un mémoire ampliatif enregistré le 2 avril 2021 et un mémoire enregistré le 25 juin 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1900403 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane.
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III. Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2021 sous le n° 21BX00295, un mémoire ampliatif « confidentiel » enregistré le 19 février 2021, des mémoires ampliatifs enregistrés le 2 avril 2021 et le 12 avril 2021 et un mémoire enregistré le 25 juin 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la cour : 1°) d’annuler le jugement n° 1900297 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane ; 2°) de rejeter la demande de la société Compagnie minière Montagne d’Or tendant à l’annulation de la décision implicite du 21 janvier 2019.
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IV. Par une requête, enregistrée le 19 février 2021 sous le n° 21BX00715, un mémoire en production de pièces enregistré le 2 avril 2021 et un mémoire enregistré le 25 juin 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1900297 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane.
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Par deux arrêts n° 21BX00294, 21BX00716 et n° 21BX00295, 21BX00715 du 16 juillet 2021, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté les quatre requêtes susvisées.
Par une décision n° 456736, 456738 du 19 octobre 2023, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a annulé ces arrêts et a renvoyé l’affaire devant la cour, où elle a été enregistrée sous le n° 23BX02609. Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d’Etat :
Par un mémoire enregistré sous le n° 23BX02609 le 18 juin 2024, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures.
Par un mémoire enregistré le 9 juillet 2024, la société Compagnie minière Montagne d’Or, représentée par la SCP Boivin & Associés, conclut à ce que la cour : 1°) tire les conséquences de la décision du Conseil d’Etat du 19 octobre 2023 (req. n° 456736) ; 2°) en tout état de cause, annule la décision implicite de rejet du ministre de l’économie et des finances de prolongation de la concession minière n° 215 (C02/46) ainsi que la décision implicite de rejet du ministre de l’économie et des finances de prolongation de la concession minière n° 219 (C03/48) ; 3°) enjoigne à l’Etat de prolonger la concession minière n° 215 (C02/46) ainsi que la concession minière n° 219 (C03/48) sous un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêt ; 4°) mette à la charge de l’Etat le versement à son profit d’une somme de 8 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêtés du 21 mai 1946 et du 14 juin 1948 du préfet de la Guyane française, les concessions de mine d’or n° 215 et n° 219 ont été instituées pour une durée illimitée et attribuées à la société d’Etudes et d’Exploitation Minières de l’Inini. Par décrets du 27 décembre 1995 a été autorisée la cession de ces concessions de mine d’or à la société à responsabilité limitée Société de travaux publics et de mines aurifères en Guyane, devenue, depuis, la société par action simplifiée Compagnie minière Montagne d’Or. Par courriers des 12 et 20 décembre 2016, la société Compagnie minière Montagne d’Or a sollicité la prolongation de chacune de ces deux concessions minières pour une période de 25 ans. Elle a demandé au tribunal administratif de la Guyane d’annuler les décisions par lesquelles le ministre de l’économie et des finances a implicitement rejeté ses demandes. Par deux jugements du 24 décembre 2020, dont le ministre chargé des mines fait appel et dont il demande le sursis à exécution, le tribunal administratif de la Guyane a annulé ces décisions et enjoint à l’Etat de prolonger les concessions minières n° 215 et n° 219.
2. Aux termes de l’article L. 144-4 du code minier, dans sa rédaction applicable aux décisions litigieuses : « Les concessions de mines instituées pour une durée illimitée expirent le 31 décembre 2018. La prolongation des concessions correspondant à des gisements exploités à cette date est accordée de droit dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du présent titre ». D’autre part, en vertu de l’article L. 161-1 de ce code, les travaux de recherches ou d'exploitation minière « doivent respecter (…) les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, (…) à la conservation (…) de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles (…), à la conservation des intérêts de l'archéologie (…) ainsi que des intérêts agricoles des sites et des lieux affectés par les travaux et les installations afférents à l'exploitation » et doivent, en outre, « assurer la bonne utilisation du gisement et la conservation de la mine ».
3. Par sa décision n° 2021-971 QPC du 18 février 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de la seconde phrase de l’article L. 144-4 du code minier, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, relatives à la prolongation de plein droit des concessions en cause. Il a relevé, pour ce faire, en premier lieu, que celles-ci ne soumettaient la prolongation de la concession à aucune autre condition que celle de l’exploitation du gisement au 31 décembre 2018, en deuxième lieu, que la décision de prolongation d’une concession minière détermine notamment le cadre général et le périmètre des travaux miniers et, au regard de son objet et de ses effets, est ainsi susceptible de porter atteinte à l’environnement, en troisième lieu, qu’avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne prévoyaient que l’administration prenne en compte les conséquences environnementales de la prolongation d’une concession minière avant de se prononcer sur la demande qui lui était adressée, enfin, qu’est indifférente la circonstance que certaines de ces conséquences pouvaient être, le cas échéant, prises en considération ultérieurement à l’occasion des autorisations de recherches et de travaux devant se dérouler sur le périmètre de la concession.
4. La décision du Conseil constitutionnel ne peut être lue comme ayant pour effet d’interdire la prolongation des concessions de mines arrivées à expiration le 31 décembre 2018, de sorte que le ministre n’est pas fondé à soutenir qu’il était en situation de compétence liée pour refuser les prolongations demandées. Il appartenait en revanche à l’administration, pour prendre les décisions contestées, de prendre en compte les conséquences environnementales de la prolongation des concessions minières concernées.
5. La société Compagnie minière Montagne d’Or est une société de droit français détenue à 55,01 % par la société Nordgold, compagnie minière major de droit européen, et à 44,99 % par la société Columbus Gold Corporation, compagnie minière canadienne. Les deux concessions dont elle demande la prolongation, appartenant au district minier Paul Isnard, sont distantes d’une dizaine de kilomètres l’une de l’autre et sont situées, s’agissant de la concession n° 219 dite « Elysée », d’une superficie de 24,82 km², sur le territoire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni, et pour la concession n° 215 dite de « Montagne d’Or », d’une superficie de 15,24 km², à 95 % sur le territoire de cette même commune et à 5% sur celui de la commune d’Apatou. Elles sont accessibles par voie aérienne, par la piste d’atterrissage existante du camp Citron ou par la voie routière, à partir de Saint-Laurent-du-Maroni, via une piste de 120 km. Les demandes de prolongation de ces concessions ont fait l’objet d’un débat public du 7 mars au 7 juillet 2018 et d’un compte-rendu de la commission nationale du débat public du 7 septembre 2018. Elles ont été accompagnées d’une demande d’extension à des substances connexes à l’or, soit le cuivre, le plomb, le zinc, l’argent et le molybdène pour la concession Montagne d’Or, et le cuivre, le plomb, le zinc, l’argent, le molybdène, le tungstène, le chrome, le nickel, le platine et les métaux de la mine de platine pour la concession Élysée. Elles ont pour but principal de mener des recherches sur la concession « Elysée » pour estimer les ressources du gisement qui s’y trouve, d’exploiter d’anciens rejets gravitaires qui y sont stockés, d’y mettre en place un site minier industriel d’extraction et d’exploiter un gisement d’or primaire en roche massive sur la concession « Montagne d’Or » dont les réserves sont estimées à une centaine de tonnes d’or, dans le cadre d’une exploitation de type industriel nécessitant des investissements de départ estimés à 500 millions d’euros environ, pour une durée minimale de 12 ans, ainsi que d’installer sur cette concession une usine de traitement du minerai par gravimétrie et cyanuration. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la note d’analyse interministérielle du 24 décembre 2018 produite au dossier, que le nombre d’emplois directs attendus est de 800 à 900 pour la phase de construction et de 750 pendant la durée d’exploitation et que les retombées fiscales ont été évaluées à 471 millions d’euros, ramenés à 293 millions d’euros pour tenir compte du crédit d’impôt que la société envisage de solliciter.
6. Aux termes des demandes, les projets pour lesquels la prolongation est sollicitée comportent, pour ce qui est de la concession n° 215 dite « Montagne d’Or » une fosse d’extraction à ciel ouvert d’environ 100 ha, une usine de traitement du minerai d’environ 15 ha, deux verses à stériles, l’une à l’ouest de 40 ha et l’autre au centre de 110 ha, un parc de stockage des résidus issus du traitement du minerai de 190 ha, deux aires de stockage de terre végétale de 12 et 9 ha, une aire de stockage de minerai basse teneur de 15 ha, un dépôt d’explosifs, une usine de fabrication d’émulsion d’environ 1,5 ha et ses unités mobiles de fabrication d’explosifs, des bassins et des canaux de dérivation des eaux occupant une surface d’environ 42 ha et des pistes principales et voies de roulage, la piste principale Paul Isnard reliant le site à Saint-Laurent-du-Maroni devant être entièrement réaménagée. Le site minier installé sur cette concession est également destiné à comporter notamment une base-vie d’environ 17 ha pour l’hébergement et la restauration du personnel avec des lieux de détente et de loisirs, des installations de traitement et de stockage d’eau potable, des moyens de collecte et de traitement des eaux usées, une plateforme de stockage et de distribution de carburant, un laboratoire, des ateliers de maintenance, des aires de lavage des engins, des entrepôts et des bureaux. Le dossier de demande prévoit également un raccordement au réseau de distribution d’électricité mais le pétitionnaire a déclaré après le débat public avoir l’intention d’installer un parc photovoltaïque permettant d’alimenter le site. Ce site est destiné à être classé « Seveso seuil haut » selon la note d’analyse interministérielle du 24 décembre 2918.
7. Pour ce qui est de la concession n° 219 dite « Elysée », située à environ 10 km au nord-ouest de la concession n° 215, le projet comporte, outre la reprise d’anciens rejets d’exploitation stockés sur le site et contenant de l’or résiduel, destinés à être traités par cyanuration sur le site « Montagne d’Or », des campagnes d’exploration puis la mise en place d’un site minier d’ampleur industrielle permettant d’exploiter pleinement le potentiel du gisement « Elysée », y compris vers la profondeur, le minerai extrait devant être évacué vers le site voisin « Montagne d’Or », où il serait traité par gravimétrie et cyanuration.
8. Il résulte de l’instruction que les deux concessions concernées sont situées dans la forêt équatoriale de Guyane qui constitue l’une des écorégions les plus riches du monde en termes de biodiversité, dans le domaine forestier permanent de l’Etat, soumis au régime forestier et géré par l’Office national des forêts, au sein d’une réserve biologique dirigée, entre les deux massifs inclus dans la réserve biologique intégrale de Lucifer - Dékou-Dékou. Cette zone située entre les deux massifs, dégradée du fait de l’activité d’orpaillage qui s’y est développée pendant plusieurs années, n’est cependant pas située en réserve biologique intégrale mais seulement en réserve biologique intégrée et ces périmètres, institués en application de l’article L. 212-2-1 du code forestier, n’interdisent pas l’activité minière dans les deux sites concernés. Les territoires des deux concessions ne sont, par ailleurs, pas couverts par les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) situées à proximité, à l’exception, s’agissant de la concession « Montagne d’Or », d’une partie minime de la ZNIEFF de type I du massif du Dékou-Dékou et de la ZNIEFF de type II des massifs de Lucifer et Dékou-Dékou, que la société s’est engagée à exclure de la zone d’exploitation. Ainsi que le fait valoir la société, l’exploitation minière du secteur est également mentionnée par le schéma d’aménagement régional et le schéma départemental d’orientation minière et la société a signé avec l’Office national des forêts un protocole d’accord excluant de l’exploitation les zones situées au-dessus de la cote 420 mètres, marquant la limite de la réserve biologique intégrale.
9. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la zone dans laquelle se situent les deux concessions, entre deux massifs abritant une biodiversité exceptionnelle, présente d’importants enjeux de continuité écologique, ainsi que l’avait souligné le Conseil national de la protection de la nature avant la création, en 2012, de la réserve biologique intégrale, que dans cette zone sont présentes de nombreuses espèces et notamment quatre espèces de plantes protégées dont une espèce endémique du massif du Dékou-Dékou (leandra cremersii), plus de 60 espèces d’oiseaux protégées, des amphibiens rares vivant dans des barranques de criques, des reptiles et des espèces piscicoles déterminantes ainsi que de grands mammifères appartenant notamment à cinq espèces protégées. Les notices d’impact mentionnent que le projet entrainera la perte d’habitats, notamment aquatiques, la perturbation des espèces par destruction et fragmentation d’habitats, par le rejet de polluants atmosphériques, par les bruits et vibrations, et la destruction d’individus des espèces présentes, par la circulation d’engins et une présence humaine importante. Quand bien même la zone classée en ZNIEFF et en réserve biologique intégrale sera préservée de toute exploitation, malgré l’inventaire et les mesures de compensation prévus par la société, et à supposer même que la société mette en œuvre son projet, annoncé après le débat public, de remplacer le raccordement de la zone au réseau de distribution d’électricité par l’installation de panneaux photovoltaïques, évitant ainsi un important défrichement, compte tenu du risque suffisamment caractérisé pour les espèces protégées, les travaux envisagés impliqueront pour les deux sites concernés, comme l’indique la notice d’impact relative à la concession n° 219, la présentation de demandes de dérogations à l’interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats dont aucun élément du dossier ne permet de penser, malgré les retombées économiques et les emplois attendus, qu’elles rempliraient les conditions prévues à l’article L. 411-2 du code de l’environnement et notamment celle tenant à une raison impérative d’intérêt public majeur. Le site abrite également deux masses d’eau mentionnées dans le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux comme ayant atteint en 2015 un bon état chimique et un très bon état écologique et une masse d’eau souterraine ayant atteint un bon état également en 2015. Les notices d’impact font par ailleurs apparaître, notamment, un impact potentiel des zones d’exploitation alluvionnaire par modification des écoulements de la nappe alluviale en particulier au niveau des zones remblayées et un impact de l’exploitation primaire en roche saine sur les écoulements souterrains profonds. Ces notices font également apparaître, compte tenu de l’ampleur du projet, un risque de ruissellement sur les surfaces décapées et une nécessaire dérivation des criques en amont de la fosse et des parcs à résidus et verses à stériles. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les mesures envisagées, parmi lesquelles la mise en place d’un pompage pour assécher le fond de la fosse d’extraction primaire et de piézomètres pour comprendre et surveiller le fonctionnement hydrogéologique du site, la réalisation d’une étude hydraulique pour adapter les canaux de dérivation ou la décantation des eaux de ruissellement avant rejet dans le milieu naturel, bien que destinées à maîtriser les risques, soient de nature à éviter une dégradation significative du bon état des eaux de surface ou des eaux souterraines. Il résulte également des pièces du dossier et notamment de la note d’analyse du 24 décembre 2018, qu’un risque de rupture des digues du parc à résidus, type d’accident qui s’est produit à plusieurs reprises dans le monde ces dernières années, ne peut être exclu, de même qu’un risque de drainage minier acide, lié à la formation d’acide sulfurique par contact entre le minerai stocké dans les fosses à stériles et l’air ou l’eau, entraînant une acidification des eaux et la diffusion de métaux lourds toxiques pour la vie aquatique. Sur ces points, les notices d’impact font apparaître notamment un impact moyen à fort de l’activité d’extraction en roche saine sur la stabilité des sols et le ministre a pu légalement estimer que malgré les mesures envisagées permettant une maîtrise des risques, en particulier le respect des règles de l’art dans la conception des digues et des fronts d’extraction et la réalisation d’une étude géologique, la gravité des conséquences d’un accident, eu égard notamment aux substances présentes sur le site, seraient telles qu’un refus des prolongations sollicitées se justifiait.
10. Ainsi, bien que le site ait déjà subi des dégradations notamment du fait de l’orpaillage illégal, compte-tenu de la nature et de l’importance du projet de dimension industrielle, même si, relativement à d’autres projets dans le monde, cette importance doit être relativisée, et des risques d’atteintes graves à l’environnement qui en résulteraient sans qu’il apparaisse, au vu des dossiers de demande et des informations dont disposait l’administration, que des mesures puissent les pallier ou que des dérogations puissent les justifier, le ministre a pu légalement estimer que ces risques pour la préservation de la faune, de la flore et des équilibres biologiques justifiaient un refus des prolongations sollicitées.
11. Le motif tiré des risques précédemment décrits justifiant légalement à lui seul les refus implicites contestés et dès lors qu’il résulte de l’instruction que le ministre aurait pris les mêmes décisions s’il n’avait retenu que ce motif, la circonstance que la société remplissait les autres conditions pour bénéficier d’une prolongation des concessions est sans incidence sur la légalité des refus qui lui ont été opposés.
12. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de la Guyane a retenu, pour prononcer l’annulation des refus de prolongation contestés, le motif tiré de ce que la société Compagnie minière Montagne d’Or remplissait toutes les conditions pour se voir attribuer la prolongation des deux concessions n° 215 et 219.
13. Il y a lieu, pour la cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, de se prononcer sur l’autre moyen invoqué en première instance par la société Compagnie minière Montagne d’Or.
14. Aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (…) / 7° Refusent une autorisation (…) ». Aux termes de l’article L. 211-5 du même code : « La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ». Aux termes de l’article L. 232-4 du même code : « Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués
15. Il ressort des pièces du dossier que le courrier du 21 décembre 2018 du directeur général de l’aménagement du logement et de la nature dont fait état la société se borne à informer ses destinataires de l’état d’instruction des demandes et que les décisions de refus contestées sont uniquement nées du silence gardé par l’administration sur les demandes présentées par la société Compagnie minière Montagne d’Or. Ainsi, les décisions contestées, qui sont des décisions implicites, ne sont pas illégales du seul fait qu’elles ne sont pas motivées. En l’absence de demande, de la part de la Compagnie Minière Montagne d’Or, de communication des motifs des décisions en litige dans le délai de recours contentieux, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de la Guyane, par les jugements attaqués, a annulé les décisions implicites de rejet des demandes de prolongation des concessions minières n° 215 et 219 présentées par la société Compagnie minière Montagne d’Or et a enjoint à l’administration d’autoriser les prolongations sollicitées. Par ailleurs, et dès lors qu’il est statué au fond sur les conclusions d’appel du ministre, il n’y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution des jugements attaqués.
17. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Compagnie minière Montagne d’Or au titre des frais d’instance exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les jugements n° 1900297 et n° 1900403 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par la société Compagnie minière Montagne d’Or devant le tribunal administratif de la Guyane sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la société Compagnie minière Montagne d’Or tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution des jugements mentionnés à l’article 1er ci-dessus.