22BX01576

Décision du 9 septembre 2022

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La maire de la commune de L a demandé au tribunal administratif de Poitiers de déclarer Mme B démissionnaire de ses fonctions de conseillère municipale.

Par un jugement n° 2201071 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de Poitiers a déclaré Mme B démissionnaire d’office de ses fonctions de conseillère municipale.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 juin et 19 août 2022, Mme B, représentée par Me Gomez, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 1er juin 2022 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de rejeter la demande présentée par la maire de L devant le tribunal administratif de Poitiers ;

3°) de mettre à charge de la commune de L une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………….

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2022, la maire de L, représentée par Me Drouineau, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………….

Considérant ce qui suit :

1. Mme B relève appel du jugement du 1er juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers l’a déclarée démissionnaire d’office de son mandat de conseillère municipale à la demande de la maire de la commune de L.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article L. 55 du code de justice administrative : « L'instruction des affaires est contradictoire (...) ». Aux termes de l’article R. 611-1 du même code : « La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ». Il résulte des deuxième et troisième alinéas de cet article, destinés à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux, est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties. Par ailleurs, le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce que le juge se fonde sur des pièces produites au cours de l'instance qui n'auraient pas été préalablement communiquées à chacune des parties.

3. Il résulte des pièces du dossier de première instance que le mémoire complémentaire produit le 23 mai 2022 par la maire de L ne comportait pas de conclusion ou moyen nouveaux par rapport à sa requête. Si de nouvelles pièces étaient jointes à ce mémoire, le tribunal ne s’est pas fondé sur celles-ci. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient Mme B, l’absence de communication de ce mémoire n’a pas entaché la procédure d’irrégularité.

Au fond :

4. Aux termes de l’article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales : « Tout membre d’un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif. / Le refus résulte soit d’une déclaration expresse adressée à qui de droit ou rendue publique par son auteur, soit de l’abstention persistante après avertissement de l’autorité chargée de la convocation. / Le membre ainsi démissionnaire ne peut être réélu avant le délai d’un an. ». Aux termes de l’article R. 2121-5 du même code : « Dans les cas prévus à l’article L. 2121-5, la démission d’office des membres des conseils municipaux est prononcée par le tribunal administratif. / Le maire, après refus constaté dans les conditions prévues par l’article L. 2121-5 saisit dans le délai d’un mois, à peine de déchéance, le tribunal administratif. (…). ».

5. Aux termes de l’article R. 42 du code électoral : « Chaque bureau de vote est composé d’un président, d’au moins deux assesseurs et d’un secrétaire choisi par eux parmi les électeurs de la commune (...) Deux membres du bureau au moins doivent être présents pendant tout le cours des opérations électorales (…) ». Aux termes de l’article R. 44 du code électoral : « Les assesseurs de chaque bureau sont désignés conformément aux dispositions ci-après : / - chaque candidat, binôme de candidats ou chaque liste en présence a le droit de désigner un assesseur et un seul pris parmi les électeurs du département ; / - des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l’ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune. (…) ».

6. Il résulte de ces dispositions que la fonction d'assesseur de bureau de vote qui peut être confiée par le maire à des membres du conseil municipal compte parmi les fonctions qui leur sont dévolues par les lois au sens de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales. Un conseiller municipal ne peut se soustraire à cette obligation que s'il est en mesure, sous le contrôle du juge administratif, de présenter une excuse valable. Peut être, le cas échéant, regardé comme excipant d'une telle excuse, pour l'application des dispositions sus-rappelées, un conseiller municipal qui établit l'existence de manœuvres consistant en des décisions ou comportements d'un maire destinés à provoquer un refus de l'intéressé d'exercer ses fonctions susceptibles de le faire regarder comme s'étant de lui-même placé dans la situation où il peut être déclaré démissionnaire d'office.

7. Il résulte de l’instruction que Mme B a été informée au cours de la séance du conseil municipal du 28 mars 2022 de sa désignation par la maire de L en qualité d’assesseure suppléante du bureau de vote le 24 avril 2022 de 13 heures à 19 heures. Le matin même du scrutin, elle a adressé à la maire un SMS l’avisant, sans avancer aucun motif, qu’elle n’assurerait pas ses fonctions d’assesseure. Le 25 avril 2022, en réponse à une demande de justification de cette absence, la requérante s’est bornée à arguer de « motifs personnels ». Devant la cour, Mme B fait valoir qu’elle présentait le 24 avril 2022 une poussée de tension artérielle, en lien avec une altercation avec un conseiller municipal survenue la veille au cours d’une réunion publique, lui imposant le repos. Toutefois, si elle établit par les pièces médicales versées qu’elle présente une hypertension artérielle pouvant occasionner, en cas de stress, des poussées de tension nécessitant un traitement médicamenteux assorti de repos, elle ne produit aucun élément de nature à établir qu’elle aurait effectivement présenté un tel état le jour du scrutin. A cet égard, la requérante produit en particulier une attestation de l’une de ses amies, médecin retraitée, affirmant que Mme B lui a décrit par téléphone « ses symptômes » le 23 avril 2022 et qu’elle lui a alors conseillé « de prendre le traitement médicamenteux prescrit par son médecin et de se reposer ». Cette attestation, qui ne fait pas état d’un examen médical de Mme B mais seulement d’une conversation téléphonique la veille du scrutin, ne suffit pas à démontrer que l’appelante présentait, le jour du vote, un état de santé incompatible avec l’exercice des fonctions d’assesseure. Il résulte au demeurant d’une attestation d’un conseiller municipal de L que Mme B lui a indiqué, dès le 23 avril 2022 en fin de matinée, qu’elle n’était pas sûre d’assurer ses fonctions d’assesseure le lendemain car « elle n’avait pas envie de venir suite au déroulement houleux d’une réunion le matin même ». La requérante n’établit ainsi pas la réalité du motif médical d’absence qu’elle allègue, alors au demeurant qu’elle n’a invoqué un tel motif qu’au stade contentieux. Par ailleurs, en se bornant à faire état de l’existence d’un climat conflictuel au sein du conseil municipal, Mme B ne démontre aucunement l’existence de manœuvres de la maire de L destinées à provoquer son refus d'exercer ses fonctions d’assesseure et d’engager à son encontre une procédure de démission d’office. Dans ces conditions, la requérante, qui a expressément refusé d’exercer les fonctions pour lesquelles elle avait été désignée, n’excipe pas d’une excuse valable au sens des dispositions précitées de l’article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers l’a déclarée démissionnaire d’office de ses fonctions de conseillère municipale. Sur les frais liés au litige :

9. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la maire de L sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://selection.twitter.jurissite-caa-bordeaux.fr/index.php?trackback/54

Fil des commentaires de ce billet