20BX03937

Décision du 7 février 2023

Par deux requêtes distinctes, MM. D et M ont demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler, d’une part, l’arrêté du 25 mai 2018 par lequel le maire de Bayonne a instauré un périmètre sécurisé et clôturé soumis à acquittement d’un droit d’accès pendant la période des fêtes de Bayonne du 25 au 30 juillet 2018, d’autre part, la délibération du 7 juin 2018 par laquelle le conseil municipal de Bayonne a fixé le droit d’accès à huit euros et a autorisé le maire de Bayonne à signer les conventions de mandat concernant la vente de bracelets d’accès.

Par un jugement n°1801241,1801357 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé l’article 6 de l’arrêté du 25 mai 2018, a annulé les dispositions de la délibération du conseil municipal de Bayonne du 7 juin 2018 autorisant son maire à signer les conventions avec les sociétés ou organismes en charge de la vente de bracelets, a mis à la charge la commune une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés pour l’instance et a rejeté le surplus des requêtes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 5 décembre 2020, MM. D et M, représentés par l’association d’avocats Sphere Avocats, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 29 septembre 2020 en tant qu’il n’a pas entièrement annulé l’arrêté municipal du 25 mai 2018 et la délibération du conseil municipal de Bayonne du 7 juin 2018 ; 2°) de mettre à la charge de la commune de Bayonne la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l’instance.

………………….

Par un mémoire enregistré le 23 juin 2021, la commune de Bayonne, représentée par Me Noyer, conclut :

1°) au rejet de la requête ; 2°) à la réformation du jugement attaqué en tant qu’il a annulé l’autorisation donnée au Maire, par la délibération litigieuse, de signer des conventions avec les sociétés ou organismes en charge de la vente des bracelets et en tant qu’il a mis à la charge de la commune une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés pour l’instance ; 3°) à ce qu’une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de MM. D et M au titre des frais exposés pour l’instance.

………………..

MM. D et M ont demandé à la cour, au titre des articles 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 modifiée du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et R. 771-3 du code de justice administrative, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité de l’article L. 2213-6-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l’article 101 de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009, en vue de son examen par le Conseil Constitutionnel.

Par une ordonnance n° 21BX03937 QPC du 7 juillet 2022, le président de la 3ème chambre de la cour a décidé qu’il n’y avait pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par MM. D et M.

Par lettre en date du 11 janvier 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de ce que les conclusions de la commune de Bayonne tendant à l'annulation partielle du jugement attaqué concernent un litige distinct de l'appel principal, ont été enregistrées après l'expiration du délai d'appel et sont dès lors tardives. Par un mémoire en réponse au moyen soulevé d’office enregistré le 12 janvier 2023, la commune de Bayonne conclut à la recevabilité de ses conclusions tendant à la réformation du jugement attaqué.



………………….

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 25 mai 2018, le maire de Bayonne a instauré un périmètre sécurisé et clôturé soumis à des conditions particulières d’entrée, de circulation et de stationnement, pour la période des fêtes de Bayonne du 25 au 30 juillet 2018. Par une délibération du 7 juin 2018, le conseil municipal de la commune de Bayonne a fixé à huit euros le tarif du droit d’accès au périmètre des fêtes de Bayonne à compter du vendredi 27 juillet 2018 à 10h et a autorisé le maire à signer des conventions de mandats avec les sociétés ou organismes qui seront en charge de la vente d’une partie des bracelets.

2. MM. D et M doivent être regardés comme relevant appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 29 septembre 2020 en tant qu’il n’a pas entièrement fait droit à leurs demandes. La commune de Bayonne demande à la cour de rejeter leur requête et de réformer le jugement attaqué en tant qu’il a annulé ces dernières dispositions et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l’instance.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, ont répondu de façon circonstanciée au moyen tiré de ce que l’arrêté du 25 mai 2018 aurait méconnu les dispositions de l’article L. 2213-6-1 du code général des collectivités territoriales. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à se prévaloir d’une irrégularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l’appel principal :

4. En premier lieu, aux termes de l’article L. 2213-6-1 du code général des collectivités territoriales : « Le maire peut, dans la limite de deux fois par an, soumettre au paiement d'un droit l'accès des personnes à certaines voies ou à certaines portions de voies ou à certains secteurs de la commune à l'occasion de manifestations culturelles organisées sur la voie publique, sous réserve de la desserte des immeubles riverains ». 5. D’une part et contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne ressort ni des dispositions précitées de l’article L. 2213-6-1 du code général des collectivités territoriales ni des travaux parlementaires précédant la création de cet article que le droit ainsi conféré aux maires de soumettre au paiement d'un droit l'accès des personnes à certaines voies ou à certaines portions de voies ou à certains secteurs de la commune à l'occasion de manifestations culturelles organisées sur la voie publique soit limité aux seuls quartiers comprenant un patrimoine historique ou culturel dont l’existence serait expressément reconnu par le plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune. Au demeurant, le périmètre retenu pour l’organisation des fêtes de Bayonne est circonscrit au centre-ville historique ainsi qu’à une petite partie du quartier Saint-Esprit située à proximité directe de la gare de Bayonne et permettant l’aménagement de points de contrôles en amont du pont qui commande l’accès au centre-ville dans un contexte justifiant alors des mesures de sécurité renforcée. 6. D’autre part, les appelants ne sont pas davantage fondés à soutenir que la durée de soumission à droit d’accès, fixée à trois jours, aurait méconnu ces mêmes dispositions de l’article L. 2213-6-1 du code général des collectivités territoriales dès lors que ces dispositions ne fixent pas de durée maximale pour les manifestations concernées et qu’il ressort des travaux parlementaires que le législateur a volontairement omis de fixer une telle durée. 7. Enfin, dès lors que moins de 15% de la population de la ville et 1,6% de sa superficie sont inclus dans ce périmètre, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que son étendue serait excessive et méconnaitrait de ce fait les dispositions précitées de l’article L. 2213-6-1 du code général des collectivités territoriales. 8. En deuxième lieu, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. 9. D’une part, l’arrêté attaqué exonère de droit d’entrée au périmètre des Fêtes de Bayonne les seuls mineurs de moins de 16 ans. Toutefois, les mineurs de 16 à 18 ans, exclus de cette exonération, ne sont pas dans la même situation que leurs cadets au regard de l’accès à la manifestation dont s’agit dès lors qu’ils sont davantage susceptibles de disposer de ressources propres que les mineurs de moins de 16 ans, dont le droit de travailler est légalement très contraint et limité, et qu’ils disposent en principe d’une plus grande autonomie à l’égard de leurs parents, en particulier de la possibilité de se rendre à cette manifestation par leurs propres moyens et sans être nécessairement accompagnés. En outre, les effets de la distinction ainsi opérée entre mineurs en fonction de leur âge n’apparaissent pas disproportionnées, au regard tant du caractère modique de la somme devant être acquittée par les mineurs de plus de 16 ans que de l’objectif d’intérêt général poursuivi, à savoir l’allègement du coût de cet évènement pour les finances communales. 10. D’autre part, à l’appui du moyen tiré de ce que l’exonération de droit d’entrée au périmètre des Fêtes de Bayonne des personnes qui résident dans la commune de Bayonne porterait également atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques, les appelants ne se prévalent devant la cour d’aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l’argumentation développée en première instance et ne critiquent pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges. 11. En troisième lieu, une redevance pour service rendu peut être légalement établie à la condition, d’une part, que les opérations qu’elle est appelée à financer ne relèvent pas de missions qui incombent par nature à la commune et, d’autre part, qu’elle trouve sa contrepartie directe dans une prestation rendue au bénéfice propre d’usagers déterminés. 12. D’une part, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l’arrêté litigieux, que le droit d’accès contesté n’est pas principalement motivé par le nécessaire renforcement des mesures de sécurité imposées par l’Etat dans le cadre de la prévention des attentats terroristes et de l’accroissement des dépenses de sécurité qui en a résulté pour la Ville mais par la nécessité de financer, partiellement, les dépenses communales liées à l’organisation des fêtes de Bayonne, en particulier l’aménagement et l’entretien des voies publiques, en contrepartie de la mise à disposition des participants à ces fêtes d’une partie du domaine public dans un cadre festif et sécurisé. Ainsi, elle trouve sa contrepartie directe dans une prestation rendue au bénéfice propre d’usagers déterminés. 13. D’autre part, les mesures de sécurité susmentionnées, en particulier la mise en place d’un système de vidéo-protection, ou encore l’aménagement de contrôles aux points d’entrées, ne sont pas au nombre des missions qui incombent par nature à la commune et excèdent, au demeurant, les besoins normaux de sécurité financés par les impôts locaux auxquels la collectivité est tenue de pourvoir dans l’intérêt général. 14. Il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le droit d’accès aux fêtes de Bayonne ne remplirait pas les conditions auxquelles une redevance pour service rendu peut être légalement établie. 15. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leurs demandes tendant à l’annulation de l’arrêté litigieux du 25 mai 2018 et n’ont pas entièrement annulé la délibération du conseil municipal de Bayonne du 7 juin 2018. Par suite leur requête doit être rejetée, y compris leurs conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne les conclusions présentées par la commune de Bayonne : 16. D‘une part, les conclusions de la commune de Bayonne tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu’il a annulé les dispositions de la délibération litigieuse autorisant le maire de Bayonne à signer des conventions de mandat avec les sociétés ou les organismes auxquels sera confiée la vente des bracelets d’accès concernent un litige distinct de l'appel principal relatif au périmètre et à la durée des fêtes de Bayonne ainsi qu’à la soumission du droit d’accès au paiement d’une redevance. Par suite, ces conclusions, enregistrées après l'expiration du délai d'appel, ne peuvent qu’être rejetées comme tardives. Il en est de même de ses conclusions subséquentes relatives aux sommes mises à sa charge par le tribunal administratif au titre des frais exposés pour l’instance par MM. D et M. 17. D’autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce et en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de MM. D et M une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés pour l’instance par la commune de Bayonne.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de MM. D et M est rejetée.

Article 2 : MM. D et M verseront à la commune de Bayonne une somme de 1 200 euros en application de l’article L. 61-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la commune est rejeté.

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