14BX02519

Lecture du 10 mars 2015

Vu, I, sous le n° 14BX02519, la requête enregistrée le 22 août 2014, présentée pour la commune de Rabat-les-Trois-Seigneurs, représentée par son maire en exercice, par Me Grimaldi, avocat ;

La commune de Rabat-les-Trois-Seigneurs demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1100819 du 25 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de Mme S== et de Mme B==, annulé les délibérations des 20 septembre 2010 et 5 novembre 2010 du conseil municipal approuvant la révision du plan d’occupation des sols de la commune ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux contre la délibération du 5 novembre 2010 ;

2°) de rejeter la demande de Mme S== et de Mme B== devant le tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de mettre à la charge de Mme S== et de Mme B== la somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, II, sous le n° 14BX02520, la requête enregistrée le 22 août 2014, présentée pour la commune de Rabat-les-Trois-Seigneurs, représentée par son maire en exercice, par Me Grimaldi, avocat ;

La commune de Rabat-les-Trois-Seigneurs demande à la cour de décider qu’il sera sursis à l’exécution du jugement n° 1100819 du 25 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de Mme S== et de Mme B==, annulé les délibérations des 20 septembre 2010 et 5 novembre 2010 du conseil municipal approuvant la révision du plan d’occupation des sols de la commune ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux contre la délibération du 5 novembre 2010 ;

1. Considérant que le conseil municipal de Rabat-les-Trois-Seigneurs a approuvé, par délibération du 20 septembre 2010, la révision du plan d’occupation des sols sous forme de plan local d’urbanisme ; qu’après observations du préfet de l’Ariège, le conseil municipal a approuvé, par délibération du 5 novembre 2010, une nouvelle version de la révision précitée, adoptant un classement différent en ce qui concerne les lieux-dits « Rials », « Les Trillats » et « Le Plas » ; que, saisi par Mme S== et Mme B==, le tribunal administratif de Toulouse a, par jugement du 25 juin 2014, annulé ces délibérations, outre la décision implicite de rejet de leur recours gracieux contre ces actes, au motif que la révision avait été adoptée à la suite d’une procédure irrégulière au regard de l’article L. 123-9 du code de l’urbanisme, en l’absence de débat du conseil municipal sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durable ; que, par la requête enregistrée sous le n° 14BX02519, la commune de Rabat-les-Trois-Seigneurs relève appel de ce jugement dont elle demande le sursis à l’exécution dans la requête enregistrée sous le n° 14BX02520, tandis que, par la voie du recours incident dans la première de ces instances, Mme S== et Mme B== concluent à la confirmation de l’annulation des décisions attaquées pour les autres motifs invoqués devant les premiers juges ; que ces requêtes présentant à juger des mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Sur la requête n° 14BX02519 :

En ce qui concerne l’appel principal :

2. Considérant qu’aux termes du 1er alinéa de l’article L. 123-9 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : « Un débat a lieu au sein du conseil municipal sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement mentionné à l’article L. 123-1, au plus tard deux mois avant l’examen du projet de plan local d’urbanisme. Dans le cas d’une révision, ce débat peut avoir lieu lors de la mise en révision du plan local d’urbanisme » ; qu’il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de Rabat-les-Trois-Seigneurs a débattu sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durable au cours de sa séance du 1er février 2008, où étaient présents sept des onze conseillers ; que, selon le compte rendu de cette séance, le conseil municipal n’a délibéré que sur deux affaires, la première relative à la rétrocession et à la cession d’une tombe, la seconde à l’attribution d’une indemnité de gardiennage ; que les autres points abordés au cours de ladite séance se sont limités à l’approbation du compte rendu de la précédente réunion du conseil et à diverses informations de la part du maire, qui n’ont pas donné lieu à vote ; que, dans ces conditions, la circonstance que la séance n’ait duré que trente-cinq minutes ne révèle pas par elle-même, contrairement à ce que soutiennent Mme S== et Mme B==, une absence de débat entre les conseillers municipaux sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durable ; que plusieurs de ces derniers ont d’ailleurs attesté, en juin et juillet 2014, de la réalité d’un débat sur ces orientations après leur présentation par le maire au cours de la séance du 1er février 2008, en soulignant le consensus qui s’était dégagé à ce sujet avant même cette date ; que, si ces témoignages n’ont été établis que six années après les faits, ils n’étaient pas nécessaires avant que le tribunal administratif ne censure, par le jugement attaqué du 25 juin 2014, ces délibérations sur le fondement du 1er alinéa de l’article L. 123-9 du code de l’urbanisme ; qu’ils confirment, en réalité, le compte rendu de la séance du 1er février 2008, signé en son temps par ces conseillers municipaux ; qu’il suit de là que c’est à tort que, pour annuler les délibérations des 20 septembre 2010 et 5 novembre 2010, le tribunal administratif a estimé qu’elles avaient été approuvées à la suite d’une procédure irrégulière au regard des dispositions susrappelées de l’article L. 123-9 du code précité ;

3. Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par Mme S== et Mme B== devant le tribunal administratif de Toulouse ;

4. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 123-9 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : « Le conseil municipal arrête le projet de plan local d’urbanisme. Celui-ci est alors soumis pour avis aux personnes publiques associées à son élaboration… » ; qu’il ressort des pièces du dossier que la commune de Rabat-les-Trois-Seigneurs a soumis le projet de révision arrêté par délibération du 4 février 2009 à la chambre d’agriculture de l’Ariège, le 16 février suivant ; que cet organisme consulaire a d’abord rendu un avis défavorable le 25 mai 2009, puis, à la suite d’une réunion de concertation avec le maire de Rabat-les-Trois-Seigneurs, a émis, le 17 juin 2009, un avis favorable sous quatre réserves ; que le moyen tiré de ce que l’avis de cet organisme n’aurait pas été recueilli manque dont en fait ;

5. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme : « Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. / (…) Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas dans les cas suivants : / a) Lorsque le schéma de cohérence territoriale ou le plan local d’urbanisme comporte une étude justifiant, en fonction des spécificités locales, qu’une urbanisation qui n’est pas située en continuité de l’urbanisation existante est compatible avec le respect des objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux I et II ainsi qu’avec la protection contre les risques naturels ; l’étude est soumise, avant l’arrêt du projet de schéma ou de plan, à la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites dont l’avis est joint au dossier de l’enquête publique ; le plan local d’urbanisme (…) délimite alors les zones à urbaniser dans le respect des conclusions de cette étude » ;

6. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 341-17 du code de l’environnement : « La commission départementale de la nature, des paysages et des sites est présidée par le préfet (…) et est composée de membres répartis en quatre collèges : / 1° Un collège de représentants des services de l’Etat, membres de droit (…) ; / 2° Un collège de représentants élus des collectivités territoriales (…) ; / 3° Un collège de personnalités qualifiées en matière de sciences de la nature, de protection des sites ou du cadre de vie, de représentants d’associations agréées de protection de l’environnement et, le cas échéant, de représentants des organisations agricoles ou sylvicoles ; / 4° Un collège de personnes compétentes dans les domaines d’intervention de chaque formation spécialisée » ; qu’en application de l’article R. 341-20 de ce code, les compétences dévolues à ladite commission par le code de l’urbanisme doivent être exercées par sa formation spécialisée dite « des sites et paysages » ; qu’enfin, aux termes de l’article 11 du décret du 8 juin 2006 susvisé : « Le quorum est atteint lorsque la moitié au moins des membres composant la commission sont présents, y compris les membres prenant part aux débats au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle, ou ont donné mandat » ;

7. Considérant que le préfet de l’Ariège a instauré la commission de la nature, des paysages et des sites de ce département par un premier arrêté du 14 mai 2007 ; que, selon cet arrêté, la formation spécialisée dite « des sites et paysages » comporte quatre collèges, dont le dernier est composé de personnes compétentes en matière d’aménagement et d’urbanisme, de paysage, d’architecture et d’environnement ; que le préfet a procédé aux nominations pour, notamment, la constitution de cette formation spécialisée par un deuxième arrêté du 14 mai 2007, qu’il a modifié par arrêté du 18 juin 2008 ; que Mme D==F==a été nommée dans ladite formation par cet arrêté du 18 juin 2008, au titre du 4ème collège ; que cette dernière étant architecte paysagiste diplômée par le gouvernement (DPLG), le préfet a pu la nommer au sein du 4ème collège sans méconnaître les prescriptions de l’article R. 341-17 du code de l’environnement et les dispositions de l’arrêté du 14 mai 2007 instituant la commission ; qu’en se bornant à mettre en doute la compétence des autres membres de ce 4ème collège, sans apporter aucune justification à l’appui de leurs allégations, Mmes S== et B== ne critiquent pas sérieusement les nominations du préfet ; que, si le compte rendu de la séance que la commission de la nature, des paysages et des sites, dans la formation spécialisée susmentionnée, a tenue le 4 septembre 2009, au cours de laquelle le projet de révision porté par la commune de Rabat-les-Trois-Seigneurs a été examiné, mentionne la participation à cette réunion de deux fonctionnaires appartenant au bureau « Environnement » de la préfecture, il ne ressort pas de ce document qu’ils aient pris part tous deux aux débats et au vote, contrairement à ce que soutiennent les intimées ; que, si Mme S== et Mme B== joignent à leurs dernières écritures une attestation selon laquelle un membre de la commission aurait été vainement appelé à participer à la séance au commencement de ses travaux, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur la validité de l’avis ; que le collège représentant les services de l’Etat étant au complet, la formation a siégé avec le quorum requis ; que la circonstance qu’aucun membre du collège des représentants des collectivités territoriales n’ait été présent à cette réunion n’est pas de nature à affecter la régularité de l’avis de la commission ; que le moyen tiré de ce que les membres de la formation spécialisée « des sites et paysages » n’auraient pas été régulièrement convoqués à la séance du 4 septembre 2009 manque de précisions pour permettre d’en examiner le bien-fondé ;

8. Considérant qu’il ressort du compte rendu de la séance de la commission de la nature, des paysages et des sites qu’elle a statué au vu d’une étude spécifique qui évoque, en premier lieu, l’impossibilité de créer des zones constructibles dans d’autres directions que celle retenue, en raison soit d’obstacles physiques, soit de risques pour la population, soit de la qualité des terres agricoles, en deuxième lieu, l’intérêt de densifier l’urbanisation notamment en arrière de la zone construite qui s’est développée de manière incohérente le long de la route départementale n° 23 du fait du zonage du plan d’occupation des sols, en troisième lieu, les besoins en espaces constructibles tant pour permettre l’installation d’équipements publics, notamment d’une nouvelle école en remplacement de l’actuelle, qui est dégradée, que pour offrir de nouveaux secteurs à une population en croissance ; que cette étude rappelle l’intérêt de préserver les terres agricoles de bonne qualité, en précisant que celles affectées par le projet, au demeurant pour une petite superficie, ne font plus l’objet d’exploitation, étant seulement entretenues, voire laissées en friche ; qu’elle précise que la densification de l’urbanisation dans le prolongement de secteurs déjà construits minimise les atteintes aux paysages ; que cette étude expose ainsi les motifs justifiant de la comptabilité du projet avec le respect des objectifs fixés par les I et II de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme ; que, si les requérantes critiquent ce document, en dénonçant l’absence d’examen des nuisances que l’instauration de nouvelles zones constructibles serait susceptible de générer, le III précité de l’article L. 145-3 n’impose pas la réalisation d’une étude d’impact ; que, par suite, les moyens tirés de l’insuffisance de l’étude soumise à la commission de la nature, des paysages et des sites et de l’irrégularité de l’avis de cette commission doivent être écartés ;

9. Considérant qu’il ressort du rapport du commissaire enquêteur, rendu le 7 juillet 2010, que l’avis favorable de la commission de la nature, des paysages et des sites en date du 4 septembre 2009 était joint au dossier d’enquête publique ;

10. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la commune de Rabat-les-Trois-Seigneurs, qui est classée en zone de montagne, connaît une croissance démographique depuis quelques années, qui impose d’offrir de nouveaux espaces constructibles ; qu’il n’est pas sérieusement contesté qu’elle ne dispose pas, eu égard à sa localisation, en particulier son environnement montagneux, d’autres secteurs que ceux qui ont été retenus, pour permettre l’édification d’équipements publics et la construction de nouvelles maisons d’habitation ; que, contrairement à ce que soutiennent Mme S== et Mme B==, le nombre de logements vacants est réduit, outre qu’il n’est pas établi qu’ils correspondent à la demande ; que si les nouveaux espaces à vocation d’urbanisation résidentielle soustraient un peu plus de 13 hectares à l’espace agricole, selon l’estimation de la chambre d’agriculture, il n’est pas sérieusement contesté que cette superficie ne fait pas l’objet d’exploitation et n’est pas significative au regard des 408 hectares affectés, sur le territoire communal, à l’activité agricole, activité poursuivie par seulement deux exploitations installées sur la commune et une exploitation dont le siège est situé dans une commune voisine ; qu’il n’est pas établi que la création de la zone UB le long de la route départementale et en arrière de la bande déjà construite ou celle des zones AUI et AU2 au lieu-dit Arnet, destinées à une urbanisation ultérieure, portent atteinte aux paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard ; que, dès lors, la révision du plan d’occupation des sols approuvée en la forme de plan local d’urbanisme par les délibérations des 20 septembre 2010 et 5 novembre 2010 n’est ni incompatible avec les objectifs de préservation des terres agricoles, pastorales et forestières, ni avec ceux de conservation des paysages et milieux caractérisant le patrimoine naturel prévus respectivement aux I et II de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme ; que pour les mêmes motifs, la révision attaquée n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;

11. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Rabat-les-Trois-Seigneurs est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ses délibérations des 20 septembre 2010 et 5 novembre 2010 ;

En ce qui concerne le recours incident de Mme S== et de Mme B== :

13. Considérant qu’il suit de ce qui précède qu’aucun des moyens invoqués par Mme S== et Mme B== n’est susceptible de fonder l’annulation des délibérations contestées et du rejet implicite de leur recours gracieux ; que, par suite et en tout état de cause, leur recours incident doit être rejeté ;

Sur la requête n° 14BX02520 :

14. Considérant que le présent arrêt statue sur les conclusions de la commune de Rabat-les-Trois-Seigneurs tendant à l’annulation du jugement du 25 juin 2014 du tribunal administratif de Toulouse et au rejet de la demande de Mme S== et de Mme B== tendant à l’annulation des délibérations des 20 septembre 2010 et du 5 novembre 2010 ; que, par suite, la requête de la commune tendant au sursis à l’exécution de ce jugement est devenue sans objet et il n’y a pas lieu d’y statuer ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Rabat-les-Trois-Seigneurs les sommes dont Mme S== et Mme B== demandent le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge conjointe de Mme S== et de Mme B== une somme globale de 1 500 euros sur ce fondement ;

DECIDE :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 14BX02520.

Article 2 : Le jugement n° 1100819 du 25 juin 2014 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : La demande de Mme S== et de Mme B== devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que leurs conclusions d’appel incident et tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Mme S== et Mme B== verseront conjointement à la commune de Rabat-les-Trois-Seigneurs une somme globale de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La discussion continue ailleurs

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