13BX02150

Lecture du 10 mars 2015

Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2013, présentée pour M. A. V== par Me Becquevort, avocat ;

M. V== demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1103915 du 23 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du 27 juillet 2011 du conseil municipal du Pian-Médoc approuvant le plan local d’urbanisme ;

2°) d’annuler cette délibération ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Pian-Médoc la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que M. V==, propriétaire indivis des parcelles cadastrées section CM n° 27 et 28 sur le territoire de la commune du Pian-Médoc, interjette appel du jugement du 23 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du 27 juillet 2011 du conseil municipal de cette collectivité approuvant le plan local d’urbanisme ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que M. V==, dont les fonds sont longés par le ruisseau dit l’Artigue, a soutenu devant les premiers juges que la règle de recul par rapport aux berges des cours d’eau posée par l’article UB 7 du règlement du plan local d’urbanisme en litige était entachée d’illégalité dès lors que cet article avait vocation à régir l’implantation des constructions au regard des limites séparatives entre propriétés privées et que, d’une part, si le ruisseau précité avait le caractère d’un cours d’eau domanial, ladite règle relevait de l’article UB 6 relatif aux marges de recul par rapport aux emprises publiques, d’autre part, si ledit ruisseau ne présentait pas ce caractère, la marge de recul devait être appliquée à partir de la ligne médiane du cours d’eau, limite de propriété, et non des berges ; qu’après avoir cité l’article UB 6 et l’article UB 7 du plan local d’urbanisme, le tribunal administratif a estimé, dans le point 15 du jugement, qu’« en fixant les règles de recul de construction susmentionnées à une distance de 10 mètres des berges des cours d’eau, qu’ils soient domaniaux ou privés, la commune n’avaitpas commis d’erreur manifeste d’appréciation, ni méconnu le principe d’utilisation économe de l’espace » ; que les premiers juges ont ainsi répondu, nécessairement, pour l’écarter, au moyen de M. V==, tiré de ce que, quelle que soit la domanialité du ruisseau l’Artigue, les règles de marge de recul étaient illégales ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement n’est pas entaché d’un défaut de motivation sur ce point ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de la délibération attaquée :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 123-10 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : « Le projet de plan local d'urbanisme est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 123-6, le maire. Le dossier soumis à l'enquête comprend, en annexe, les avis des personnes publiques consultées. / Après l'enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié, est approuvé par délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 123-6, du conseil municipal. / Le plan local d'urbanisme approuvé est tenu à la disposition du public » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’il est loisible à l’autorité compétente de modifier le plan local d’urbanisme après l’enquête publique, sous réserve toutefois, d’une part, que ne soit pas remise en cause l’économie générale du projet et, d’autre part, que cette modification procède de l’enquête publique, ces deux conditions découlant de la finalité même de la procédure de mise à l’enquête publique ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le projet de plan local d’urbanisme classait en zone UB les parcelles dont M. V== est propriétaire indivis ; qu’il n’est pas contesté qu’à l’issue de l’enquête publique, les auteurs du plan ont inclus les parcelles en question dans une zone UBr, définie par le règlement comme un secteur déjà urbanisé dans lequel le risque de remontée de nappe phréatique est à prendre en considération ; que ce classement a pour seul effet, d’une part, d’interdire toute excavation du sol y compris les niveaux en sous-sol et les niveaux semi-enterrés de toute construction, d’autre part, de fixer le seuil des constructions à la hauteur de quarante centimètres au-dessus du sol naturel ; que de telles prescriptions, qui imposent des restrictions modestes au droit de construire par rapport aux règles générales applicables à la zone UB, ne sont nullement de nature à remettre en cause l’économie générale du plan local d’urbanisme, alors même qu’elles feraient obstacle à la construction de piscines ou de caves ; que l’instauration de cette zone UBr répond à l’avis émis par le préfet de la Gironde le 24 mars 2011, avant l’enquête publique, sous la forme d’un rapport de quinze pages qui signalait le risque d’inondation par remontées de la nappe phréatique dans les secteurs ciblés sur une carte du bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) et qui concluait d’ailleurs à la nécessité d’inscrire le document d’urbanisme dans les politiques initiées par, notamment, le schéma d’aménagement et de gestion des eaux « Estuaire de la Gironde et milieux associés », de prendre en compte les zones humides ainsi que le risque précité et de prévoir des prescriptions réglementaires adaptées à cette situation ; que la carte établie par le BRGM auquel se réfère l’avis du préfet, qui, est produite en format A4 par la commune de Le Pian-Médoc, permet de repérer les secteurs qui, sur le territoire communal, constituent des zones humides, notamment du fait des remontées de la nappe phréatique ; que, dans les conclusions qu’elle a rendues le 23 juin 2011, à l’issue de l’enquête publique qui s’est tenue du 4 avril au 11 mai 2011, la commissaire enquêteur, qui vise le rapport de l’administration préfectorale et fait référence à son contenu dans certaines réponses aux observations du public, a indiqué que les zones humides définies par une étude du syndicat mixte pour le développement durable de l’estuaire de la Gironde, dont celles en bordure des cours d’eau, avaient été prises en compte, ainsi que le demandait le préfet ; que, dès lors, l’instauration de la zone UBr doit être regardée comme procédant de l’enquête publique ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu’à défaut de nouvelle enquête publique sur ce point, le plan local d’urbanisme est entaché d’irrégularité doit être écarté ; que, par voie de conséquence et en tout état de cause, M. V== ne soutient pas pertinemment que l’approbation de ce document d’urbanisme est intervenue en violation du principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement posé par l’article 7 de la charte de l’environnement ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article R. 123-2 du code de l’urbanisme : « Le rapport de présentation : / (…) 3° Explique les choix retenus pour établir le projet d’aménagement et de développement durable, expose les motifs de la délimitation des zones, des règles qui y sont applicables et des orientations d’aménagement… » ; que le point 1.3.1 de la deuxième partie du rapport de présentation, relatif à la prévention du risque de ruissellement et de remontée de nappes phréatiques, indique que les secteurs concernés par le phénomène de battement de la nappe phréatique caractérisant les zones humides ont été délimités au regard du périmètre de ces zones tel que déterminé par le syndicat mixte pour le développement durable de l’estuaire de la Gironde et qu’en ce qui concerne les zones urbaines et à urbaniser, un secteur UBr, notamment, est créé pour tenir compte de ce phénomène ; que le même point du rapport expose les raisons aux restrictions apportées au droit de construire dans ce secteur ; que ce document énonce ainsi les motifs de la création du secteur UBr ;

En ce qui concerne la légalité interne de la délibération attaquée :

6. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier, notamment d’une cartographie établie par le bureau des recherches géologiques et minières comme des travaux réalisées par le syndicat mixte pour le développement durable de l’Estuaire de la Gironde en vue de l’élaboration du schéma de gestion et d’aménagement des eaux de la Gironde, que plusieurs secteurs en bordure de cours d’eau sur le territoire de la commune du Pian-Médoc sont affectés par un phénomène de battement de la nappe phréatique, se traduisant par la constitution de zones humides ; que cette situation a conduit la commune à créer, au sein des zones du plan local d’urbanisme, des secteurs référencés « r », dans lesquels sont prohibées les constructions en excavation et est imposée une hauteur minimale des constructions par rapport au terrain naturel, en vue de conserver aux terrains concernés leur rôle de filtration des eaux de ruissellement ainsi que celui de recharge des nappes superficielles et profondes ; que les documents sur lesquels se sont fondés les auteurs du plan étaient suffisamment précis pour déterminer les secteurs en question ; qu’il n’est pas sérieusement contesté que les parcelles appartenant à M. V==, qui sont riveraines du cours d’eau l’Artigue, sont incluses dans une partie du territoire communal caractérisant une zone humide ; qu’il suit de ce qui précède que le classement desdites parcelles dans le secteur « r » de la zone UB ne repose ni sur une erreur de droit, ni sur une erreur manifeste d’appréciation ; que la circonstance que, dans son avis recommandant la prise en compte du risque d’inondation du fait de la remontée des nappes phréatiques, le préfet de la Gironde n’ait pas conclu précisément à la création de secteur « r » est sans incidence sur la légalité du classement en cause, justifié par la situation des terrains ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 130-1 du code de l’urbanisme : « Les plans locaux d’urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu’ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s’appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d’alignements. / Le classement interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements… » ; que le plan local d’urbanisme en litige a instauré un espace boisé classé le long du cours d’eau l’Artigue et qui impacterait, selon M. V==, une largeur comprise entre 17 et 27 mètres le fond de ses parcelles ;

8. Considérant, d’une part, qu’il ressort de l’évaluation des incidences du document d’urbanisme, exposée dans la 2ème partie du rapport de présentation, que les vallées des ruisseaux la Jalle de Ludon, l’Artigue et l’Aygue-Millade constituent des trames à protéger pour la conservation des biotopes de milieux humides particulièrement sensibles tant en ce qui concerne l’avifaune que la ripisylve, formant des corridors écologiques assurant les échanges entre les marais estuariens et le plateau médocain ; que, les auteurs du plan ont pu, sans se fonder sur des documents impropres à justifier leur parti d’aménagement, prendre en considération les périmètres de l’atlas cartographique des zones humides du schéma d’aménagement et de gestion des eaux de la Gironde et des milieux associés, établi en novembre 2010, pour délimiter ces corridors ; que c’est sans contradiction avec l’énoncé du rapport de présentation qu’en vue de maintenir ou de restaurer la végétation de ripisylve, le plan a circonscrit l’espace boisé à une largeur de plus ou moins vingt mètres de part et d’autre des cours d’eau, en fonction de la configuration des lieux ; que cette largeur, qui était mentionnée nécessairement à titre indicatif dans ledit rapport, n’est pas incompatible avec les objectifs du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux par le seul fait qu’elle est supérieure à celle préconisée dans ce dernier document ; que M. V== ne démontre pas qu’en prévoyant le classement en espace boisé d’une bande d’une telle largeur le long des cours d’eau, les auteurs du plan auraient retenu un périmètre disproportionné par rapport aux objectifs poursuivis et, par suite, entaché ce classement d’une erreur manifeste d’appréciation ;

9. Considérant, d’autre part, que les dispositions de l’article L. 130-1 du code de l’urbanisme n’emportent aucune privation du droit de propriété mais se bornent à apporter des limites à son exercice ; que les restrictions résultant du classement en espace boisé d’une bande de terrain d’environ vingt mètres en fond des parcelles de M. V==, qui ne concernent que les modes d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisement, sont justifiées par l’intérêt général qui s’attache à la conservation ou la restauration de la ripisylve, signalées comme des enjeux majeurs dans le rapport de présentation ; qu’il suit de là que le moyen tiré de ce que le classement dont s’agit porterait atteinte au droit de propriété de l’intéressé ne peut qu’être écarté ;

10. Considérant, enfin, que les différences de traitement entre les propriétés foncières selon qu’elles sont ou non classées en espaces boisés répondent à la prise en compte de situations différentes ; que, dès lors, le principe d’égalité de traitement ne saurait être regardé comme méconnu du seul fait que, sur des parcelles autres, l’espace boisé classé, dont les limites sont nécessairement lissées par rapport aux méandres des lits des cours d’eau, impacte une moindre superficie ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : « Le règlement peut comprendre tout ou partie des règles suivantes : / (…) 6° L’implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques ; / 7° L’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives » ; qu’aux termes de l’article UB 6 du règlement du plan local d’urbanisme en litige, lequel article est relatif à « l’implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques » : « Les constructions nouvelles doivent être implantées à une distance minimale de : / (…) • 5 mètres à l’alignement des autres voies existantes ou à créer » et qu’aux termes de l’article UB 7 du même règlement, qui régit « l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives » : « Les constructions nouvelles seront implantées en ordre discontinu, à une distance minimale de 4.00 mètres des limites séparatives… / Un recul de 10 mètres par rapport aux berges des cours d’eau est demandé » ;

12. Considérant que les dispositions précitées de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme n’imposent pas aux auteurs d’un plan local d’urbanisme de fixer les marges de recul uniquement en considération des emprises publiques ou des limites séparatives ; que, par suite, et alors même que, selon le recueil des servitudes d’utilité publique du plan local d’urbanisme du Pian-Médoc, les ruisseaux l’Aygue-Millade et l’Artigue présentent le caractère de cours d’eau non domaniaux, les auteurs du plan ont pu prescrire légalement, par l’article UB 7, une marge de recul de dix mètres par rapport aux berges de ces ruisseaux ; que, contrairement à ce que soutient M. V==, les auteurs du plan local d’urbanisme ont pu, sans erreur de droit, imposer ladite marge de recul pour assurer avec le plus d’efficacité la conservation ou la restauration de la ripisylve ; que le classement en espaces boisés de corridors le long des cours d’eau, à supposer même qu’il ait toujours une largeur supérieur à dix mètres, ne rend pas inutile la marge de recul précitée, qui prohibe sur une telle distance toutes constructions, y compris celles qui pourraient être admises sur le fondement de l’article L. 130-1 du code de l’urbanisme ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de l’enjeu pour la commune de protéger les corridors végétaux autour des cours d’eau traversant son territoire, que la règle de recul minimum de dix mètres à partir des berges soit entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ; que M. V== ne peut utilement faire valoir que le bâti existant ne respecte pas cette règle ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu’ainsi qu’il a été dit, les restrictions qui sont imposées dans le secteur « r » de la zone UB, secteur dont relèvent les parcelles du requérant, sont limitées à l’interdiction de toute construction en excavation et au respect d’une hauteur de plancher minimale de quarante centimètres par rapport au terrain naturel ; que les terrains de M. V== ne présentent donc nullement le caractère de dents creuses dont le maintien serait contraire aux objectifs affichés dans le rapport de présentation ; que, contrairement à ce qu’il prétend, les limitations au droit de construire qui résultent du classement en espace boisé d’une bande au fond des parcelles et de la marge de recul de dix mètres par rapport aux berges de l’Artigue ne traduisent une méconnaissance ni du principe d’une urbanisation maîtrisée posé par l’article L. 110 du code de l’urbanisme, lequel évoque également la protection des milieux naturels et la préservation de la biodiversité par, notamment, la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques, ni de celui d’une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux, énoncé à l’article L. 121-1 de ce code ;

14. Considérant, en cinquième lieu, qu’il ne ressort d’aucun élément au dossier que la création des corridors végétaux le long des cours d’eau serait de nature à accroître le risque d’incendie de feux de forêt rappelé dans le rapport de présentation ; que, dès lors, ni l’instauration de l’espace boisé classé critiqué, ni l’exigence de marge de recul par rapport aux berges ne sont contraires à l’objectif de prévention du risque d’incendie évoqué dans ledit rapport ;

15. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. V== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Pian-Médoc la somme dont M. V== demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’affaire, il a lieu de mettre à la charge de ce dernier le paiement d’une somme de 1 500 euros à la commune du Pian-Médoc sur ce fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. V== est rejetée.

Article 2 : M. V== versera la somme de 1 500 euros à la commune du Pian-Médoc en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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