18BX02692

Lecture du 12 octobre 2018

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Le syndicat CGT GM&S Industrie France, l’association de soutien et de défense des salariés-es de GM & S et le comité d’entreprise de la société LSI, anciennement dénommé comité d’entreprise de la société GM & S Industry France, ont demandé au tribunal administratif de Limoges l’annulation de la décision du 23 janvier 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Nouvelle Aquitaine a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi de la société GM & S Industry France.

Par un jugement n° 1800331 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande en annulation de la décision du 23 janvier 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 16 juillet, le 5 septembre et 14 septembre 2018, le syndicat CGT GM & S Industrie France, l’association de soutien et de défense des salariés-es de GM & S et le comité d’entreprise de la société LSI, anciennement dénommé comité d’entreprise de la société GM & S Industry France, représentés par Me Borie, demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 29 mai 2018 ;

2°) d’annuler la décision du 23 janvier 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Nouvelle Aquitaine a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de la société GM&S Industry France ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………………..

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat CGT GM & S Industrie France, l’association de soutien et de défense des salariés-es de GM&S et le comité d’entreprise de la société LSI, anciennement dénommé comité d’entreprise de la société GM & S Industry France, ont demandé au tribunal administratif de Limoges l’annulation de la décision du 23 janvier 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Nouvelle Aquitaine a homologué le document unilatéral de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de la société GM & S Industry France.

Sur le bien-fondé du jugement et de la décision du 23 janvier 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Nouvelle Aquitaine a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi de la société GM & S Industry France : 2. Aux termes de l’article L. 1233-61 du code du travail : « Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l’employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. (…) ». En vertu de l’ article L. 1233-24-4 du même code : « A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. ».

3. Aux termes de l’article L. 1233-24-2 du code du travail, relatif aux plans de sauvegarde de l’emploi : « L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233 24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / (…) 2o La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 (…) ». Aux termes de l’article L. 1233-57-3 du code du travail : « En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233 24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233 57 16, L. 1233-57-19 et L. 1233 57 20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. Elle prend en compte le rapport le plus récent établi par le comité d'entreprise au titre de l'article L. 2323-56, concernant l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi. / Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-7.1 ». En vertu de ces dispositions, lorsque les critères d’ordre des licenciements fixés dans un plan de sauvegarde de l’emploi figurent dans un document unilatéral élaboré par l’employeur sur le fondement de l’article L. 1233-24-4, il appartient à l’autorité administrative, saisie de la demande d’homologation de ce document, de vérifier la conformité de ces critères et de leurs règles de pondération aux dispositions législatives et conventionnelles applicables.

4. Aux termes de l’article L. 1233-5 du code du travail : « Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. / Ces critères prennent notamment en compte : / 1° Les charges de famille, en particulier celle des parents isolés ; / 2° L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ; / 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; / 4o Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article. (…) ». Il résulte de la lettre même de ces dispositions qu’en l’absence d’accord collectif ayant prévu d’autres critères, l’employeur qui procède à un licenciement collectif pour motif économique est tenu, pour déterminer l’ordre des licenciements, de prendre en compte l’ensemble des critères qui sont énumérés à l’article L. 1233-5 précité, et notamment le critère des qualités professionnelles mentionné à son 4°. Par suite, en l’absence d’accord collectif ayant fixé les critères d’ordre des licenciements, le document unilatéral de l’employeur fixant le PSE ne saurait légalement omettre l’un de ces critères, dès lors que l’omission d’un critère dans le PSE, aurait pour effet d’empêcher par avance que ce critère puisse être effectivement pris en compte au stade de la détermination de l’ordre des licenciements. L’autorité administrative ne saurait, par conséquent, homologuer un tel document, sauf s’il est établi de manière certaine, dès l’élaboration du PSE, que, dans la situation particulière de l’entreprise et au vu de l’ensemble des personnes susceptibles d’être licenciées, aucune des modulations légalement envisageables pour le critère en question ne pourra être matériellement mise en œuvre lors de la détermination de l’ordre des licenciements.

5. En premier lieu, en vertu de l’article 33 de la convention métallurgie Haute¬ Vienne et Creuse : « Si, en dernier ressort, des licenciements étaient décidés, ceux-ci devraient s’opérer suivant les règles prévues en matière de licenciements pour motif économique, compte tenu notamment, sans ordre préférentiel et sans préjudice des dispositions de l’article L 1233-5 du code du travail : -des nécessités de la production ; -de la valeur professionnelle ; - de la situation personnelle et familiale ; -de l’ancienneté dans l’établissement (…) ». Les dispositions précitées de l’article 33 de la convention métallurgie Haute-Vienne et Creuse réservant l’application de l’article L. 1233-5 du code du travail, c’est à tort que les premiers juges ont estimé que cette convention rendait l’article L. 1233-5 du code du travail inapplicable.

6. En second lieu, les requérants soutiennent quant à l’application qui a été faite de l’article L. 1233-5 du code du travail dans le document unilatéral ayant fait l’objet de l’homologation en litige, que n’aurait pas été pris en compte le critère des compétences professionnelles contrairement à ce qu’impose l’article L. 1233-5 du code du travail dès lors que le critère de l’ « ancienneté » pris une fois en tant que tel comme le prévoit le 2° de l’article L. 1233-5 aurait été utilisé une seconde fois à la place du critère des « qualités professionnelles » . Il ressort des pièces du dossier que le document unilatéral du PSE, dans sa version ayant fait l’objet de l’homologation par la décision en litige du 23 janvier 2018, a défini en sa page 14, le « barème des critères proposés ». Un premier barème se rapportait, à l’ancienneté, pour laquelle il prévoyait un nombre de points attribué égal à 2 pour une ancienneté inférieure à cinq ans, et un nombre de points égal à 5, pour une ancienneté de plus de vingt-et-un ans, alors que trois autres barèmes de points se rapportaient respectivement, « aux situations susceptibles de rendre le reclassement difficile », à l’âge et à la situation familiale. En ce qui concerne le critère des qualités professionnelles, le document unilatéral ayant fait l’objet de l’homologation par la décision en litige du 23 janvier 2018 indiquait en sa page 15 qu’ «à défaut d’éléments objectifs permettant d’évaluer la qualité professionnelle des salariés, il a été convenu avec les membres du comité d’entreprise que celle-ci serait pondérée en référence à l’ancienneté (quatre ans d’ancienneté équivaudront à un point d’expérience professionnelle avec un maximum de 7 points) ». Ainsi l’ancienneté a été prise en compte deux fois, une première fois comme le prévoit le 2° de l’article L. 1233-5 du code du travail et une seconde fois en se substituant au critère des qualités professionnelles prévu par le 4° de l’article L. 1233-5 du code du travail. Le critère des qualités professionnelles a donc été omis des critères devant être pris en compte en vertu de l’article L. 1233-5 du code du travail. Les requérants soutiennent que contrairement à ce qu’indique le document ayant fait l’objet de l’homologation, l’administrateur judiciaire disposait des éléments permettant de mettre en œuvre le critère des qualités professionnelles. A cet égard, si ont été produites au dossier contentieux seulement 27 fiches d’évaluation de salariés établies au cours de l’année 2016, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il n’aurait pas existé des fiches d’évaluation pour les autres salariés de la société. En tout état de cause, à supposer admise l’absence de document d’évaluation pour l’ensemble des salariés de la société, il ressort des pièces du dossier que d’autres éléments auraient permis de prendre en compte le critère des qualités professionnelles, le mandataire judiciaire ayant notamment dans la première version du document unilatéral du PSE soumise à homologation, sous l’intitulé « compétences techniques » élaboré un critère des « compétences techniques » dont les points attribués variaient de 2 à 8. Par ailleurs, il n’est pas établi de manière certaine, en dépit des circonstances alléguées en défense par la ministre du travail tenant à l’existence d’un climat tendu au sein de la société, que dès l’élaboration du PSE, au regard de la situation particulière de l’entreprise et au vu de l’ensemble des personnes susceptibles d’être licenciées, aucune des modulations légalement envisageables pour le critère des qualités professionnelles ne pouvait être matériellement mise en œuvre lors de la détermination de l’ordre des licenciements. La décision d’homologation du PSE, lequel a occulté le critère des qualités professionnelles en lui substituant un critère relatif à l’ancienneté des salariés, au demeurant déjà pris en compte, est donc entachée d’erreur de droit, sans que n’ait d’incidence à cet égard, ni la circonstance, au demeurant non établie, selon laquelle les élus du comité d’entreprise auraient donné leur accord à la prise en compte des critères retenus lors de la réunion du comité d’entreprise, ni celle selon laquelle les critères d’ancienneté et d’expérience professionnelle (ce dernier critère étant lui-même comme il est sus-indiqué remplacé par un critère de l’ancienneté) représentent une pondération de seulement 37 % de l’ensemble des critères, dès lors qu’ainsi qu’en dispose l’article L. 1233-5 précité du code du travail, si les critères peuvent être pondérés, aucun des quatre critères prévus par cet article ne peut être occulté.

7. Il résulte de ce qui précède que la décision du 23 janvier 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Nouvelle Aquitaine a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi de la société GM & S Industry France est fondée sur les motifs entachés d’erreur de droit selon lesquels la pondération des critères d’ordre des licenciements était conforme aux dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail ainsi qu’aux dispositions de la convention collective de la métallurgie Corrèze Haute Vienne applicables à GM & S Industry.

8. Par suite, les requérants sont fondés pour ce seul motif, à demander l’annulation du jugement du 29 mai 2018 du tribunal administratif de Limoges et de la décision du 23 janvier 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Nouvelle Aquitaine a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi de la société GM & S Industry France.

Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l’Etat, la somme totale de 2 000 euros, à verser au syndicat CGT GM & S Industrie France, à l’association de soutien et de défense des salariés-es de GM & S, au comité d’entreprise de la société LSI, anciennement dénommé comité d’entreprise de la société GM & S Industry France.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800331 du 29 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande en annulation de la décision du 23 janvier 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Nouvelle Aquitaine a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi de la société GM & S Industry France, ensemble cette décision du 23 janvier 2018, sont annulés.

Article 2 : L’Etat versera au syndicat CGT GM & S Industrie France, à l’association de soutien et de défense des salariés-es de GM&S et au comité d’entreprise de la société LSI, anciennement dénommé comité d’entreprise de la société GM & S Industry France, la somme totale de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La discussion continue ailleurs

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