15BX00465,15BX00465

LECTURE DU 3 NOVEMBRE 2015

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Olympe Energie a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler l’arrêté du 1er aout 2011 par lequel le préfet de l’Ariège a refusé de lui délivrer l’autorisation de disposer de l’énergie du cours d’eau de Frontonne pour la mise en service d’une usine à construire sur le territoire des communes d’Axiat et Lordat (Ariège), destinée à la production d’énergie électrique.

Par un jugement n° 1104461 du 5 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de l’Ariège de solliciter, dans un délai d’un mois, du président du tribunal administratif, la désignation d’un commissaire-enquêteur aux fins de soumettre le projet à enquête publique.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré sous le n° 15BX00458 le 9 février 2015 et un mémoire, enregistré le 30 juin 2015, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie demande à la cour d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 décembre 2014.


Par un recours, enregistré sous le n° 15BX00465 le 12 février 2015, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie demande à la cour de prononcer le sursis à l’exécution du jugement susmentionné n° 1104461 du 5 décembre 2014 du tribunal administratif de Toulouse.


Vu : - les autres pièces des dossiers.

Vu : - le code de l’environnement ; - le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de l’Ariège a, par un arrêté du 1er août 2011, refusé de délivrer à la SARL Olympe Energie l’autorisation de disposer de l’énergie du cours d’eau de Frontonne pour la mise en service d’une usine à construire sur le territoire des communes d’Axiat et Lordat (Ariège), destinée à la production d’énegie électrique. Saisi par la société Olympe Energie, le tribunal administratif de Toulouse, relevant que le projet n’était pas de nature à faire obstacle à la continuité écologique du bassin du Gérul, a, par un jugement du 5 décembre 2014, annulé cet arrêté pour erreur de droit et de fait. Par le recours n° 15BX00458, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie interjette appel de ce jugement et, par le recours n° 15BX00465, demande d’en ordonner le sursis à exécution. Ces recours concernant la même affaire et présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

2. Le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie soutient que les premiers juges ont omis de statuer d’office sur la question de savoir si le motif de l’arrêté du 1er août 2011 qu’ils jugeaient illégal, tiré de ce que le projet en cause portait obstacle à la continuité écologique, pouvait être neutralisé et si l’administration préfectorale aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur le motif tiré de l’incompatibilité du projet par rapport au schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Adour-Garonne. Toutefois, un tel moyen, qui n’a pas trait à une omission à statuer sur un moyen, relève de la contestation du bien-fondé du jugement attaqué et non de celle de sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l’article L. 214-17 du code de l’environnement : « I.- Après avis des conseils généraux intéressés, des établissements publics territoriaux de bassin concernés, des comités de bassins et, en Corse, de l’Assemblée de Corse, l’autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin : / 1° Une liste de cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux parmi ceux qui sont en très bon état écologique ou identifiés par les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux comme jouant le rôle de réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l’atteinte du bon état écologique des cours d’eau d’un bassin versant ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée est nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s’ils constituent un obstacle à la continuité écologique. / (…) III.- Les obligations résultant du I s’appliquent à la date de publication des listes. (…) ». Aux termes de l’article R. 214-109 du même code : « Constitue un obstacle à la continuité écologique, au sens du 1° du I de l’article L. 214-17 et de l’article R. 214-1, l’ouvrage entrant dans l’un des cas suivants : / 1° Il ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques, notamment parce qu’il perturbe significativement leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri ; / (…) 3° Il interrompt les connexions latérales avec les réservoirs biologiques ; / 4° Il affecte substantiellement l’hydrologie des réservoirs biologiques. ». L’arrêté du 7 octobre 2013 du préfet de la région Midi-Pyrénées, préfet coordonnateur du bassin Adour-Garonne, établissant la liste des cours d’eau mentionnée au 1° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement sur le bassin Adour-Garonne introduit dans ladite liste : « Le ruisseau de Gérul et ses affluents ».

4. Il résulte de l’instruction que la centrale hydroélectrique en cause, qui fonctionnera au « fil de l’eau », sera alimentée par une prise d’eau dite « par en dessous » située sur le ruisseau de Fontronne, à partir de laquelle, à 1 314 mètres d’altitude, une partie du cours d’eau sera dérivée sur une longueur de 1 360 mètres, soit sur un peu plus du tiers de la longueur du ruisseau, pour une restitution intégrale des eaux prélevées, après turbinage, en aval de l’usine à 890 mètres d’altitude. Si le débit réservé fixé à quinze litres par seconde, soit au dixième du module ainsi que le prévoit l’article L. 214-18 du code de l’environnement, est inférieur au débit d’étiage évalué à vingt-deux litres par seconde, il résulte de l’instruction que le pétitionnaire a prévu, pour des raisons de non-rentabilité de l’équipement en dessous d’un débit de douze litres par seconde, correspondant au dixième du débit maximum des turbines, de stopper le fonctionnement de l’usine dès lors que le débit entrant à la prise d’eau sera inférieur à vingt-sept litres par seconde, soit environ vingt et un jours par an. Compte tenu du mode de fonctionnement au « fil de l’eau » de l’ouvrage, le projet ne doit pas entraîner de modification du substrat, auquel les invertébrés benthiques sont inféodés. S’il n’est pas exclu que cette faune benthique subisse toutefois des contraintes liées à la baisse de débit dans les tronçons court-circuités, le pétitionnaire s’est engagé à assurer un suivi hydrologique pendant trois campagnes afin, le cas échéant, de pouvoir adapter le fonctionnement des installations aux éventuels impacts négatifs. La circonstance qu’aucun dispositif de montaison n’ait été prévu, alors que la zone en cause, qui comporte des obstacles infranchissables du fait d’une succession de cascades et d’écoulements très turbulents, est dépourvue de poissons migrateurs candidats à la montaison en période de reproduction, n’est pas de nature à faire regarder le projet en cause comme faisant obstacle à la libre circulation de la faune piscicole existante constituée de truites fario. Afin de limiter toutefois la perturbation de ce peuplement piscicole, résultant nécessairement de la réduction du débit dans la partie du ruisseau concernée par le projet, il a été prévu de poser une prise d’eau au fond du cours d’eau comportant une grille d’entrée dotée de barreaux espacés de seulement dix millimètres. Si cet espacement ne permet pas totalement d’exclure que les plus jeunes poissons se retrouvent, en période de dévalaison, piégés dans la chambre de prise d’eau, cette circonstance, alors que le préfet pouvait contraindre le pétitionnaire à réduire ledit espacement et, au demeurant, que la dévalaison des poissons migrateurs se produit en période de fortes eaux où le bas de la grille fonctionne en surverse, ne suffisait pas à justifier un refus de la demande. Par ailleurs, aucune des espèces protégées susceptibles d’être observées sur le bassin du Gérul, à savoir le desman des Pyrénées, l’écrevisse à pattes blanches, l’euprocte des Pyrénées, le triton palmé, la salamandre tachetée et le grand tétras, n’a pu être observée durant la campagne d’échantillonnage réalisée en octobre 2006, ce que les données naturalistes, émanant de l’association des naturalistes de l’Ariège et produites en appel par le ministre requérant, ne permettent pas, compte tenu de leur caractère insuffisamment précis et de l’absence de toute indication de sources, d’infirmer. Dans ces conditions, et alors que le pétitionnaire a prévu de régler une redevance piscicole en faveur de la pêche et du milieu aquatique, le projet ne peut être regardé comme perturbant significativement, au sens de l’article R. 214-109 précité du code de l’environnement, l’accès des espèces biologiques aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri, ni comme portant atteinte aux réservoirs biologiques. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet en cause constituerait un obstacle à la continuité écologique du ruisseau de Fontronne, incompatible avec l’arrêté du 7 octobre 2013 le répertoriant dans la liste des cours d’eau mentionnée au 1° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement sur le bassin Adour-Garonne, doit être écarté.

5. L’arrêté contesté était également fondé sur le motif tiré de l’incompatibilité du projet avec le SDAGE Adour-Garonne, qui a identifié les masses d’eau du Gérul et du Peyfoch comme cours d’eau en très bon état écologique et les a classées en réservoir biologique au sens des articles L. 214-17 et R. 214-18 du code de l’environnement, au sein duquel doit être préservée la continuité écologique. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 4 et contrairement à ce qui est soutenu, il n’est pas établi que le projet en cause aurait, compte tenu d’un important prélèvement au regard du débit naturel du cours d’eau, entraîné une modification du régime hydrologique de celui-ci ou porté atteinte à des espèces aquatiques remarquables, en contrariété avec les orientations du SDAGE Adour-Garonne.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de la société Olympe Energie en annulant l’arrêté du préfet de l’Ariège du 1er août 2011.

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement :

7. Le présent arrêt statue sur le recours du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Par suite, ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué sont devenues sans objet.

Sur les conclusions tendant à l’application des articles L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions, et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SARL Olympe Energie au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1 : Le recours n° 15BX00458 du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie est rejeté.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur le recours n° 15BX00465 du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Article 3 : L’Etat versera à la SARL Olympe Energie la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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