13BX00937

LECTURE DU 2 JUIN 2015

Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2013, présentée pour la SA Areva NC, dont le siège social est situé 33 rue de La Fayette à Paris cedex 09 (75442), représentée par son président directeur général, par Me Pennaforte et Me Chatagner, avocats ; La SA Areva NC demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1101224 du 7 février 2013 du tribunal administratif de Limoges en tant, d’une part, qu’il a rejeté partiellement sa demande tendant à l’annulation des dispositions du point a) de l’article 1er de la mise en demeure du 1er juin 2011 du préfet de la Haute-Vienne, d’autre part, qu’il a rejeté sa demande tendant à l’annulation du point c de cet article ;

2°) d’annuler l’ensemble des dispositions de l’article 1er de la mise en demeure du 1er juin 2011 du préfet de la Haute-Vienne ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que la SA Areva NC, qui exploitait un établissement spécialisé dans l’enrichissement et le retraitement de matières nucléaires à Bessines-sur-Gartempe et disposait, dans cette commune, de sites de stockage de résidus de traitement, a procédé au cours de l’automne 2010, dans le cadre d’un programme de surveillance du réseau hydraulique en aval des anciennes mines d’uranium, à un curetage de l’étang de la Rode, sur le territoire de la commune de Compreignac, curetage autorisé par arrêté du 10 juin 2010 du préfet de la Haute-Vienne, aux fins d’en extraire les sédiments présentant des activités en uranium 238 supérieures à 3 700 becquerels par kilogramme de matière sèche ou des activités totales supérieures à 10 000 becquerels par kilogramme de matière sèche ; que la société a acheminé les sédiments extraits vers un bassin de décantation au lieudit Pontabrier, sur le territoire de Compreignac, où ils ont été entreposés dans des géotubes ; que, saisie d’une plainte, l’inspection des installations classées a effectué, le 24 mai 2011, une visite inopinée du lieu de stockage, qui s’est traduite pas un procès-verbal, dressé le jour même, pour infraction aux dispositions de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement et par un rapport qui a été adressé à la SA Areva NC par courrier du 27 mai 2011, accompagné d’un projet d’arrêté de mise en demeure ; que, par arrêté du 1er juin 2011, le préfet de la Haute-Vienne a, sur le fondement de l’article L. 514-2 alors en vigueur du code de l’environnement, mis en demeure la société, d’abord, de déposer sous huit jours un dossier de régularisation d’autorisation pour un stockage de déchets dangereux en choisissant un autre lieu de stockage et en précisant les conditions d’exploitation ainsi que les dispositions prises pour protéger les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 de ce même code, ensuite, de déplacer sous trois mois le stockage non autorisé et de remettre en l’état le site de Pontabrier, enfin, de déposer dans un même délai de trois mois un dossier de demande de régularisation d’autorisation à exploiter dans les conditions posées par les articles R. 512-2 et suivants du code susmentionné ; que la société Areva NC a saisi le tribunal administratif de Limoges d’une demande tendant, à titre principal, à l’annulation de ces prescriptions, à titre subsidiaire, à leur abrogation ; que, par jugement du 7 février 2013, le tribunal administratif a, d’une part, annulé les prescriptions imposant à l’exploitant de choisir un nouveau lieu de stockage provisoire des sédiments, d’autre part, abrogé celles exigeant le dépôt sous huit jours d’un dossier de régularisation du stockage provisoire, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande ; que la société Areva NC demande la réformation de ce jugement en tant qu’il n’a pas fait droit à l’ensemble de ses conclusions d’annulation ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 514-2 du code de l’environnement alors en vigueur : « Lorsqu'une installation classée est exploitée sans avoir fait l'objet de la déclaration, de l'enregistrement ou de l'autorisation requis par le présent titre, le préfet met l'exploitant en demeure de régulariser sa situation dans un délai déterminé en déposant, suivant le cas, une déclaration, une demande d'enregistrement ou une demande d'autorisation. Il peut, par arrêté motivé, suspendre l'exploitation de l'installation jusqu'au dépôt de la déclaration ou jusqu'à la décision relative à la demande d'enregistrement ou d'autorisation (…) » ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article L 514-1 du code de l’environnement alors en vigueur : « I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, et lorsqu'un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé » ; qu’aux termes du 5ème alinéa l’article L. 514-5 de ce code, dans sa rédaction alors applicable, qui fixe une règle de procédure : « L’exploitant est informé par l’inspecteur des installations classées des suites du contrôle. L’inspecteur des installations classées transmet son rapport de contrôle au préfet et en fait copie simultanément à l’exploitant. Celui-ci peut faire part au préfet de ses observations » ; qu’il résulte de ces dispositions, dont la requérante se prévaut pour la première fois en appel, que le rapport de l’inspecteur des installations classées, qui sert de fondement à la mise en demeure, doit être transmis à l’exploitant pour lui permettre de faire connaître ses observations au préfet avant que cette autorité ne décide d’une telle mesure ; que, par suite, lorsque l’inspecteur des installations classées a constaté l’inobservation de conditions légalement imposées à l’exploitation d’une installation classée, l’autorité de police ne peut, sans méconnaître une garantie substantielle, édicter une mise en demeure à l’égard de l’exploitant qu’après avoir laissé à ce dernier un délai, approprié aux circonstances de l’espèce et à l’urgence, pour lui permettre de formuler ses observations sur les constatations effectuées ou les manquements relevés ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’ainsi qu’il a été dit au point 1, l’inspecteur des installations classées a, après son contrôle inopiné, le 24 mai 2011, du site de stockage utilisé par la SA Areva NC au lieudit Pontabrier, consigné ses observations dans un rapport daté du vendredi 27 mai 2011 ; que la société Areva NC soutient sans être contredite qu’elle a reçu ce rapport, qui lui a été communiqué pour l’application de l’article L. 514-5 du code de l’environnement, seulement le mardi 31 mai 2011 ; qu’en édictant la mise en demeure dès le 1er juin suivant, le préfet de la Haute-Vienne n’a pas mis à même l’exploitant de faire valoir ses observations sur les constatations de l’inspecteur des installations classées, qui servent de fondement à cette mesure de police ; que, si l’exploitation non autorisée du site de Pontabrier était susceptible de présenter un risque pour la santé humaine et l’environnement compte tenu de la nature des sédiments entreposés, l’administration n’établit pas que la nécessité de régulariser cette situation était constitutive d’une situation d’urgence justifiant de priver l’exploitant de toute possibilité de faire connaître ses observations avant l’intervention d’une mise en demeure ; qu’il suit de là que l’arrêté en litige a été édicté à la suite d’une procédure irrégulière ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la SA Areva NC est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé seulement partiellement l’arrêté du 1er juin 2011 du préfet de la Haute-Vienne et rejeté sa demande tendant à l’annulation totale de cet arrêté ;

6. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme dont la SA Areva NC demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L’arrêté du 1er juin 2011 du préfet de la Haute-Vienne est annulé en toutes ses dispositions.

Article 2 : Le jugement n° 1101224 du 7 février 2013 du tribunal administratif de Limoges est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de la SA Areva NC tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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